Dark Touch

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Carrie avait une petite soeur…

Surtout connue pour avoir été comédienne pour François Ozon, ou encore co-scénariste de François Ozon, Marina de Van poursuit parallèlement une carrière de réalisatrice indépendante commencée à la fin des années 90 avec des courts métrages. Que ce soit Rétention (1997) ou Psy Show (1999), ils portent tous en eux une thématique que la cinéaste exploitera par la suite dans ses longs métrages : le corps, dans ce qu’il peut avoir d’étranger, qu’il nous échappe ou que nous tentions d’exercer un contrôle absolu sur lui. Son dernier opus, Dark Touch, est une nouvelle pierre à cet édifice filmographique.

Neve est une petite fille de onze ans, qui vit dans une grande maison à la campagne, digne d’un magazine de décoration branché, avec ses deux parents et son tout petit frère. Neve est aussi une pré-ado abusée par ses parents. Une nuit, suite à une énième visite de son père et sa mère dans sa chambre, les meubles de la maison commencent dangereusement à s’animer jusqu’à se déchaîner dans une folie meurtrière qui laisse Neve orpheline. Elle est alors recueillie par des amis de la famille qui pensent naïvement, mais sincèrement, que l’amour et la tendresse sont la solution à tous les problèmes. Mais la jeune fille, traumatisée, n’arrive pas à s’apaiser, d’autant plus que les phénomènes étranges se multiplient autour d’elle, attirant la méfiance des autres enfants et l’incrédulité des adultes laissant Neve désemparée et plus seule que jamais.
 

 
 

En entrant dans la salle de cinéma, il faudra abandonner tout espoir de film d’horreur, l’affiche est mensongère. Le surnaturel n’y est pas une fin mais bien un moyen. Il ne faut donc pas attendre d’effusions sanglantes, de jump scare ou de mains qui claquent dans un placard. On le savait depuis Ne te retourne pas (2007), Marina de Van aime se servir du genre pour aborder des sujets complexes, habituellement traités sous un angle sociologique ou dramatique.
Des branches qui tapent aux carreaux d’une maison isolée, des objets qui se déplacent tout seul, une petite fille en chemise de nuit blanche qui court au milieu de la nuit à travers la forêt, tout crie ici le début d’un film fantastique ou d’un conte de fées. La nature sauvage qui apparaît dans les premières scènes contraste avec l’intérieur de la maison des parents de Neve : des meubles design, une décoration froide toute de noir et de blanc, aux angles aigus. Le confort moderne, a priori synonyme de protection, est en réalité plus dangereux que ce qui se trouve dehors ; et deviendra finalement un objet de mort. Le domestique devient l’étrange, le familier se transforme en meurtrier. Et c’est là tout le drame de Neve, ce sont ses parents, présentés comme un couple de vampires, qui extirpent toute vie possible du corps de leur fille. Si Marina de Van joue avec les conventions de la maison hantée, c’est parce que dans Dark Touch, la maison hantée n’est autre que Neve. Son intimité a été forcée par ceux-là même qui étaient censés représenter la sécurité. Elle a alors fermé toutes les portes et refuse tout contact qu’elle ressent forcément comme une intrusion.

Pour elles, tous les adultes sont devenus des intrus essayant à tout prix de l’envahir. Tous les adultes du film se ressemblent, exceptée l’assistante sociale, créant une espèce d’entité indiscernable, reproduisant la vision que Neve doit en avoir. Un adulte n’est pas différent d’un autre adulte, ils sont tous capables des mêmes choses. Mais cette sensation, Neve ne parvient à l’identifier clairement et ses émotions désordonnées provoquent des catastrophes. Là encore, le fantastique est un bon moyen pour dire cette désorientation et cette panique, car il permet d’extérioriser et de montrer concrètement ce qui est purement abstrait. La démesure de ces phénomènes peut paraître grotesque à certains moments. Dark Touch partage avec Ne te retourne pas ce sens du monstrueux. Ne te retourne pas n’avait pas peur du grand guignol même si la transformation de Sophie Marceau en Monica Bellucci frôlait le ridicule, mais le grotesque recelait un véritable malaise. Cette fois, la réalisatrice ne se tourne pas vers un cinéma organique à la Cronenberg mais vers un univers glacé.

Le dernier quart d’heure du film pourrait être un court métrage indépendant. La maison du drame originel devient le lieu de la vengeance dans une parodie malsaine de vie familiale. Les rôles parents/enfants s’inversent et toute la violence ressentie par Neve nous saute soudainement aux yeux et nous laisse un sentiment d’inconfort prégnant. Neve ne comprend jamais ce qui lui arrive, et au moment où elle commence confusément à le sentir, se sait condamnée. Tout bien considéré, le terme de film d’horreur est peut-être bien choisi.
 

Titre original : Dark Touch

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Durée : 90 mn


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