Bébé mode d’emploi

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Moins tarte qu´il en a l´air, « Bébé mode d´emploi » est une comédie pas romantique.

Ce qu’il y a de drôle avec le cinéma américain, c’est sa capacité à être potentiellement surprenant. Alors qu’on n’aurait pas parié un kopeck dessus, Bébé mode d’emploi s’avère une comédie plutôt sympathique. Il est vrai que le film est desservi par sa distribution en France sous ce titre déplorable, là où en VO il se nomme Life as we know it (« La vie comme nous la connaissons »). Une fois n’est pas coutume, un film prend le contrepied de la traditionnelle course au mariage/bébé de la comédie romantique, à l’inverse, par exemple, du Plan B perpétré il y a quelques mois par Jennifer Lopez et qui mériterait le titre de comédie la plus dégradante pour l’être humain de l’année. Ici, le bébé n’est pas, ou pas vraiment désiré, mais imposé.
Holly (la très souriante Grey’s Anatomy Katherine Heigl) et Messer (le très souriant Transformers vegasien Josh Duhamel) se retrouvent, après la mort de leurs meilleurs amis, à devoir élever ensemble, alors qu’ils se détestent cordialement, leur petite fille. Avançant d’abord en terrain conquis – elle ne se pose pas de questions, instinct maternel inné oblige, lui si – la suite du film vient mettre à mal ce schéma que l’on croit si bien inscrit et, aussi légèrement qu’insidieusement, proposer qu’il soit possible de ne pas s’extasier à l’idée d’avoir un enfant, sans pour autant être un monstre d’égoïsme sans cœur.
Bon évidemment, le film n’évite pas la tentation de la lourdeur du comique offerte sur un plateau par son sujet : un bébé face à deux trentenaires célibataires que rien ne prédisposait à s’occuper. C’est peut-être là que le mode d’emploi du titre français n’est pas si mal senti. Il ne s’agit donc pas d’apprendre à faire des bébés, mais plutôt d’apprendre à s’en servir. Le film opte pour un chapitrage pesant autour des grandes fonctionnalités du bébé : manger (et surtout cracher), faire, dormir (enfin ne pas dormir), être malade… et le rire gras qui va avec. Rien de bien surprenant là-dedans, la chute est toujours attendue, à tel point qu’on peut en rire (ou pas) à l’avance. Le tout étant d’ailleurs desservi par un montage plutôt abrupt d’autant plus surprenant que la réalisation s’oriente plutôt vers l’élégance fluide de la comédie romantique chic ou des séries sophistiquées. A ce titre, de nombreux plans de situation (plans en plongée sur la banlieue résidentielle ou la ville toute proche) scandent le film à la manière du découpage des séries, rappelant ainsi l’origine du réalisateur Greg Barlanti (producteur exécutif de nombreuses séries notamment Brothers & Sisters, Dirty Sexy Money, Dawson’s Creek…) dont le prochain Green Lantern avec Ryan Reynolds devrait être une sortie importante de l’été 2011.
 
 

Là où Bébé mode d’emploi étonne, c’est dans sa capacité à être fin dans sa lourdeur, fin malgré sa lourdeur. Production ultra-calibrée, il n’empêche que le film étonne par certaines réflexions ou certaines idées. Il n’hésite pas à jouer avec les attentes du spectateur, et à les décevoir. Ainsi lorsqu’on s’attend à trouver Katherine Heigl dans le lit de Josh Duhamel, ce n’est pas elle. Ou encore, le recours archiconnu au flashback qui explique certes, mais pas ce qu’on attend. Sentant venir un finale trop attendu, le film le caractérise à outrance en faisant d’un personnage secondaire (Sarah Burns, parfaite en assistante sociale qui prend son métier un peu trop à cœur) le premier spectateur de la love story à l’écran, qui logiquement réclame son happy end. Même l’utilisation de la chanson de Radiohead, Creep, s’avèrera d’une justesse inattendue, alors que n’importe quelle autre comédie l’aurait rendue lénifiante.

Car, sans prendre trop de risques ni trop brusquer son audience, Bébé mode d’emploi met en avant un possible refus de la parentalité et de la pression sociale qui règne sur le sujet. Le film, à grand renfort de montage parallèle, montre des contraires qui mettront beaucoup de temps à s’attirer, et encore seulement sur l’insistance testamentaire d’amis disparus. Avec un bébé dans les bras, le faux couple devra rabaisser les ambitions personnelles pour payer couches et factures d’électricité. Bébé mode d’emploi invente un nouveau type de relation amoureuse : l’amour par culpabilité et respect de la volonté d’amis décédés. Au final tout rentre dans l’ordre, mais la comédie n’a pas été si romantique que ça.

Titre original : Life As We Know It

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Durée : 104 mn


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