Winter’s Bone

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Plongée quasi ethnologique dans une communauté miséreuse du Missouri, l´inattendu et mystérieux « Winter´s Bone » est tout autant une chronique désenchantée qu´un film à suspense étouffant.

Unique, Winter’s Bone l’est par nature. Le deuxième film de Debra Granik, tourné avec un micro-budget (et la dernière caméra numérique que le cinéma indépendant s’arrache, la RED), est une plongée sans concessions dans le quotidien d’une communauté du Missouri profond, les Orzaks. A la fois désoeuvrée et inculte, il y règne un certain parfum de consanguinité : mais les liens du sang y sont d’autant plus forts. Douloureux, presque, éprouvants. Chacun connaît son voisin dans ces bois brumeux et décharnés, mais le non-dit y est plus à la mode que la confession intime.

C’est dans cet univers aride mais irrémédiablement fascinant que la réalisatrice a posé son objectif. Littéralement, puisqu’elle a obtenu l’autorisation de cette communauté pour planter le décor de Winter’s Bone dans leurs propres habitations. Pas étonnant alors que la principale qualité du film soit sa force d’immersion. L’histoire commencerait presque comme un mauvais film des frères Dardenne (référence quasi-évidente vu le regard quasi ethnologique posé sur ces « petites gens »), avec l’histoire de la jeune Ree, 17 ans, en charge de ses jeunes frères et sœurs, depuis que son père, trafiquant de « meth » (comme apparemment tous leurs cousins et oncles du coin) est en prison, et sa mère plongée dans un état catatonique. Pas d’argent, peu de nourriture, et un climat glacial : l’ambiance ne pourrait pas être plus morose… Et pourtant, elle se dégrade lorsque Ree apprend que le paternel a hypothéqué la maison pour payer sa caution et  tout simplement disparu. Elle décide alors de le retrouver avant que toute la famille ne se retrouve à la rue.

 

Voyage au bout de la nuit

Héroïne têtue, blonde au visage de poupée éclairée par un regard frondeur et décidé d’adulte avant l’heure, Ree est un grand personnage de cinéma, transfiguré par l’interprétation de la révélation Jennifer Lawrence. Pas étonnant qu’elle récolte des lauriers depuis plusieurs mois : en plus de porter fièrement le film sur ses épaules, elle nous sert de point d’ancrage dans un récit qui ne se soucie guère d’expliciter ses enjeux. L’enquête de Ree, besogneuse, répétitive, est le prétexte à découvrir une galerie de personnages que l’on observe, en spectateur invité, plus que l’on ne les découvre. Les seules réponses qu’obtient l’adolescente sont autant d’avertissements. Qu’est devenu le père ? Quel secret cache le shérif local ? Ree doit-elle faire confiance à son oncle, un toxicomane qui semble en savoir beaucoup sur tout le monde ? Comme elle, nous n’aurons que peu de solutions. C’est l’une des originalités du film :  faire croire à la résolution d’un suspense qui n’en est pas un.

Faux thriller, mais vrai voyage au bout de la nuit, Winter’s Bone devient, au fur et à mesure que les ténèbres nous entourent, le portrait étonnant d’une femme en devenir, qui s’extirpe avec force détermination d’un carcan familial et communautaire. Et se transforme, par la grâce d’une conclusion cathartique et macabre, en adulte indépendante, renforcée dans ses convictions et transfigurant son environnement, cette nature qui semble avoir modelé ces hommes et femmes du Missouri à son image : mystérieux, impénétrables, mais immuables et survivant à chaque épreuve.

Titre original : Winter's bone

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Durée : 104 mn


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