Vivre, mourir, renaître

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Pulsion de vivre

Avec son nouveau long-métrage Vivre, mourir, renaître, Gaël Morel nous plonge dans le contexte de l’épidémie du VIH en France durant les années 1990. Ce mélodrame met en scène Cyril, Sammy et Emma, de jeunes adultes épris dans une relation amoureuse triangulaire dont la romance s’assombrit lorsqu’ils découvrent successivement leur séropositivité. 

Vivre, mourir, renaître, s’ajoute à une suite de témoignages composant le paysage du cinéma français sur cette période incertaine et douloureuse. Son titre rappelle immédiatement celui du film de Christophe Honoré, Plaire, aimer et courir vite (2018), mais évoque aussi 120 battements par minute (2017) ou encore Les Nuits Fauves (1992). Le film de Gaël Morel ajoute sa pierre à l’édifice en adoptant une esthétique similaire (image granuleuse, décors et costumes typiques des années 1990) créant ainsi une forme de continuité spatio-temporelle entre les différents films. L’ambition de Vivre, mourir, renaître est donc manifeste : participer à la construction de la mémoire des années sida en France.  

Musée imaginaire 

Dans cette perspective de correspondances, Gaël Morel pastiche la célèbre course effrénée de Denis Lavant sur la chanson Modern Love dans Mauvais Sang (1986). Sauf qu’ici, nos protagonistes Cyril et Sammy courent vers un distributeur de préservatifs. Si l’on comprend et adhère à la portée préventive de la scène, cette énième citation sonne sans surprise et rate l’effet escompté. Cette perte d’impact s’explique par le fait que la séquence de Leos Carax a déjà été reprise à de multiples occasions dans l’histoire du cinéma. Puis, plus récemment, par le fait que la chanson de David Bowie a été réinterprétée par Zaho de Sagazan, lors de la dernière cérémonie d’ouverture du Festival de Cannes. La scène de Gaël Morel perd de cette façon de sa force originelle et procure un sentiment de lassitude, en partie dû à la citation récurrente de Mauvais Sang

Cependant, si cette citation apparaît comme un effet de mode, la démarche de Gaël Morel, elle, s’avère authentique. L’époque qu’il dépeint dans son film est liée à sa vie intime, puisqu’il y a vécu sa vingtaine en tant qu’homosexuel et qu’il a débuté sa carrière dans le cinéma en tant qu’acteur dans Les Roseaux Sauvages (1994) d’André Téchiné. Gaël Morel se sert de son histoire comme terreau pour construire son film, évoquant ainsi l’idée d’un musée imaginaire, où sont réunis les œuvres et les acteurs  — comme Amanda Lear et Elli Medeiros, figures emblématiques des années 1990  — qui lui sont chers.

L’instant décisif 

Cet amour pluriel que vivent nos trois protagonistes est capturé de l’intérieur par Cyril, photographe professionnel. Poussé par un élan créatif lié à un sentiment d’urgence de vivre, il cherche à laisser son empreinte. C’est un photographe de l’instant décisif, il capture son existence qu’il sait écourtée par le VIH. C’est d’ailleurs ce que le film dans son dispositif tente de faire : capturer le mouvement de la vie à un moment opportun. Ici, il s’agit de saisir l’essence d’une génération sacrifiée, laisser une trace de ceux qui ne sont plus là et pour ceux qui restent.  

À l’origine de son projet, Gaël Morel voulait réaliser un documentaire constitué de témoignages de personnes ayant été sauvées in extremis par l’arrivée de la trithérapie. Une initiative visant par conséquent à préserver la mémoire des années sida en redonnant la parole aux concernés. Finalement, ce projet documentaire s’est transformé en film de fiction lui permettant de revenir au cœur des années 1990, condensées dans la temporalité du film afin de parcourir les différentes étapes de vie par lesquelles passent nos protagonistes. Le choix de la fiction donne à Gaël Morel la possibilité de mettre en scène l’intensité des émotions vécues par les personnages oscillant entre amour, désespoir et résilience. Si Vivre, mourir, renaître présente certaines maladresses dans ses références, il s’inscrit néamoins dans un projet noble : celui de la mémoire. 

Titre original : Vivre, mourir, renaître

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Durée : 109 mn


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