Le film de François Magal se présente de manière très simple : il suit les traces dun couple de jeunes Français partis sinstaller avec leur fils en Irlande. Il présente les différentes étapes de leur vie hors de France, depuis leur installation, leurs démarches professionnelles, jusquà leurs rencontres avec les gens du cru et autres visites de leurs amis et parents.
Pour ironique quil paraîsse au premier abord, le titre nen est pas moins trompeur. Certes, il sagit du récit dune aventure, celle que mène ce couple parti en terre étrangère – en exil – réaliser un rêve un peu fou, la construction dune forêt où des artistes viendraient exposer leurs oeuvres. Certes, le pays où ils sinstallent recèle toutes les caractéristiques du merveilleux, voire du sublime prétexte pour le cinéaste de capter en des plans quasi envoûtants la beauté des paysages, plages, lacs, collines et forêts dont les couleurs et la grandeur accueillent les nouveaux venus de leur majestueuse tranquillité.
Mais à linstar dun des premiers plans où la petite famille fraîchement arrivée, assise sur une plage, paraît démesurément petite face à limmensité de la mer, le film est tout entier dans le décalage : aucun acte héroïque nest à attendre de la part des protagonistes. Corps frêles projetés dans cette nature pourtant hospitalière, ils sont plutôt occupés à ne pas voir ce qui, très vite, en eux se fissure et autour deux ne bouge pas. Ils restent dans ce coin perdu, pétrifiés devant la réalité de leur entreprise, figés dans des sentiments qui, forcément, évoluent. Et lhistoire damour qui portait leur élan commence à les éloigner lun de lautre, elle rêvant de ville, lui en attente de quelque chose qui ne vient pas, jamais mieux que parmi les arbres.
Mais ce conte hautement contemporain (nombreux sont les trentenaires qui, aujourdhui, partent à lautre bout du monde tenter leur chance) peine à véritablement retenir lintérêt : les plans tirent souvent en longueur, donnant au film un rythme alangui qui ne sied pas vraiment à son propos plus sec. Les silences sont lourds, le mystère est comme forcé. Limpression est renforcée par le jeu des deux acteurs principaux (Thomas Blanchard, déjà vu dans les Amitiés maléfiques dEmmanuel Bourdieu et Sarah Perrin, véritable sosie de Sophie Marceau, venue du théâtre et ici dans son premier rôle au cinéma). Jeunes comédiens, ils ne jouent pas toujours très juste, manquent de la présence brute et de la tension contenues dans leur personnages.
Le réalisateur, lui, a fait le pari de montrer la sensibilité et la fragilité des êtres mais il minimise au passage la portée de laltérité, élément pourtant crucial dans la vie à deux et a fortiori dans un pays étranger. Par ailleurs, il ne place jamais son histoire dans un contexte, ne cherche pas à donner dépaisseur à son récit (il ne permet par exemple pas de savoir pourquoi, en particulier, ces deux jeunes gens sont partis à ce moment précis de leur vie). Effleurant ainsi un sujet potentiellement plus riche, François Magal propose avant tout une ballade irlandaise bien innocente, là où était attendu un voyage intérieur avec un brin plus de bruit et de fureur.
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