Tomer Sisley : opération cinéma

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Quel que soit l´avenir de ce personnage au cinéma, Tomer Sisley restera dans l´imaginaire collectif comme celui qui a campé pour la première fois Largo Winch sur grand écran. Portrait d’un ex-acteur frustré.

Le stand-up comme marchepied pour le cinéma. Tomer Sisley s’est jeté dans l’art délicat de la pseudo-improvisation pour s’offrir la possibilité de réaliser son rêve. « J’ai fait du one man show uniquement parce que j’en avais assez de ne pas pouvoir (exercer) mon métier d’acteur », avouait-il en 2009 lors d’un entretien. Se battre pour apparaître dans une série, son « amour-propre » ne le supportait plus, affirme-t-il. Cette solitude assumée sur scène le conduira pourtant sur les chemins de la gloire dans l’Hexagone. L’acteur y devient même une fierté nationale. Il remporte en 2003, au prestigieux festival d’humour Juste pour rire à Montréal, le Prix de la révélation. C’est la première fois que la récompense distingue un humoriste français. Un juste retour des choses puisque Tomer Sisley considère la France, où il est arrivé à 9 ans, comme le pays de sa renaissance.

Mais dans la vie de l’artiste, stand-up ou pas, un écran n’est jamais loin. Il a notamment fait ses premiers pas dans la série Studio Sud, diffusée sur M6 dans les années 90 et enchaînera par la suite les castings, les téléfilms puis les films. Alliance cherche doigt (1997), Absolument fabuleux (2001), Dédales (2003), Virgil (2005), La Nativité (2006) et Truands (2007). Son apparition dans le film de Frédéric Schoendoerffer est la preuve patente que sa stratégie de départ est la bonne : le réalisateur le repère alors qu’il assure la promotion de son spectacle. Dans ce long métrage qui est une plongée dans le grand banditisme, il interprète Larbi, un truand. C’est son premier grand rôle au cinéma. Tomer Sisley peut (enfin) faire la démonstration de son talent dramatique, lui qui a découvert Shakespeare sur les bancs du lycée. Schoendoerffer dit de lui qu’il a une « élégance teintée d’insolence ». Le constat est presque prémonitoire. Dans la vie d’acteur de Sisley, le meilleur est à venir : il a le visage d’un héros de BD, celui de Largo Winch, l’héritier du groupe W, dont l’auteur de bande-dessinée belge Jean Van Hamme raconte les pérégrinations depuis plus de vingt ans. Le cinéaste qui lui offre cette chance, à lui qui fut fan des films d’aventures de Jean-Paul Belmondo, s’appelle Jérôme Salle. Ce dernier est à son tour séduit par le charisme de Tomer Sisley et confirme, encore une fois, que le chemin menant au Septième art via le stand-up est le bon. « J’ai pensé à Tomer Sisley pour le rôle (de Largo Winch). Je l’avais remarqué pour la première fois, explique Jérôme Salle, il y a quelques années, lorsqu’il avait assuré la première partie du spectacle de Jamel (Debbouze, ndlr) à l’Olympia (2004). Je m’étais dit que ce type avait quelque chose, une voix, une présence ». Le cinéaste assume le choix de cet inconnu au box-office français face à une production qui investit dans un long métrage à gros budget. Tomer Sisley, lui, veut relever le défi, se sentant enfin vraiment désiré. L’opportunité est belle. Il considère d’ailleurs qu’il y a beaucoup de « points communs » entre Largo Winch et lui. Ironie du sort : le comédien avait participé au casting de la série télévisée pour un second rôle.

Tomer Gazit Sisley (sa famille préfèrera le nom Sisley à Gazit) a vu le jour à Berlin le 17 août 1974, de parents ayant quitté Israël pour s’installer en Allemagne. Son père, juif, et sa mère, arabe, sont respectivement d’origine russe et yéménite. A 5 ans, il devient enfant de divorcés. Tomer et Largo sont des solitaires et partagent ce « manque de racines », « ce sentiment de ne se retrouver nulle part chez (soi)», confesse Sisley. Ils sont également tous deux polyglottes. L’acteur parle quatre langues : hébreux, arabe, français et anglais. L’épisode 1 des aventures cinématographiques de Largo Winch, qui paraît sur les écrans français en 2008, est bien accueilli. Tomer Sisley s’est beaucoup investi dans le personnage, réalise lui-même ses scènes d’action, aussi impressionantes dans le premier que le second film. Pour lui, ces scènes sont « la cerise sur le gâteau ». Il faut dire que Tomer Sisley est un athlète. Sports de combat et pratique de la chute libre – il y en une stupéfiante dans ce second volet – font partie des hobbies de ce casse-cou.

Tomer Sisley a fait ses classes d’acteur pendant une dizaine d’années avec Jack Waltzer, coach de Dustin Hoffman pour son rôle dans Tootsie et professeur, entre autres, de sa partenaire dans Largo Winch II, Sharon Stone. L’apprentissage se poursuit toujours sur le terrain pour le novice qu’il est encore au cinéma. Entre les deux opus consacrés à Largo Winch, trois ans se sont écoulés sans qu’on ne le voit au cinéma. La raison : pas de scénarios intéressants. C’est peut-être aussi pour cela qu’il n’est pas près d’apparaître dans une comédie. La qualité première du futur projet qu’il acceptera, après la flopée de propositions comiques déjà reçues, sera sa capacité à convaincre l’ancien humoriste.

Révélé par l’humour, ensuite par un film d’aventures, Tomer Sisley n’a pas peur des étiquettes. Elles s’enlèveront, selon lui, au fil de sa carrière. Quand on lui demande s’il imaginait le succès qui est le sien aujourd’hui, pas de langue de bois. « Je l’espérais. Très honnêtement, j’ai travaillé dur pour que ça arrive », précise-t-il. En octobre 2011, il sera à l’affiche de Nuit Blanche de Frédéric Jardin. Par ailleurs, il se consacre aussi à l’écriture. Sous sa plume, devrait naître un boxeur. Il y sera certainement question d’endurance. En la matière, le comédien est loin d’être en terre inconnue.


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