The mountain, une odyssée américaine

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Devant la passivité du monde, Rick Alverson tente de nous mettre en garde par ce film dur et métaphorique.

Ceci n’est pas un biopic

Pour son cinquième long métrage, inspiré de la vie du controversé neurologue américain, Wallace Fiennes, Rick Alveson nous offre un road movie tragique, composé uniquement de plans fixes, dans une lumière glauque et clinique due à Lorenzo Hagerman. C’est dire si le sujet du film n’est pas particulièrement gai puisqu’il raconte l’histoire de ce médecin dont la méthode de lobotomie était loin de faire l’unanimité dans le corps médical de ces années 50, partagées entre le début de la rationalisation en termes de médecine, et une sorte d’obscurantisme hérité du XIXème siècle. Servi par des acteurs prodigieux, tels que l’immense Jeff Goldbum dans le rôle du médecin incriminé et Tye Sheridan découvert dans The Tree of Life et qui campe le rôle du jeune homme que le médecin prend sous son aile après avoir lobotomisé sa mère. Les deux personnages hantent divers lieux clos où le médecin exerce son métier avec plus ou moins de bonheur, tandis que le jeune Andy, qu’il a reconverti en photographe, prend des photographies des scènes qui s’apparentent plus à des séances de tortures qu’à des actes médicaux.

 

 

Se méfier des belles images

Malgré tout, le film n’est pas un biopic sur ce médecin un peu fou, un peu dégénéré et obsédé sexuel, mais plutôt une métaphore sur le cinéma et les images qu’il exploite. Certes, l’Amérique, déjà en ces années-là, était en perte de spiritualité et la lobotomie aurait pu en constituer une belle image, mais ce qui taraude le cinéaste, c’est plutôt l’image de cinéma dans ce qu’elle donne à voir. D’ailleurs, si le film porte le nom de The Mountain, c’est justement en référence à ce tableau que l’on voit chez le père d’une patiente, interprété par un Denis Lavant toujours dans l’excès. Cette montagne est une image qui dénonce en quelque sorte la passivité du spectateur devant le cinéma et ses beaux photogrammes trompeurs. Et c’est justement dans cette réflexion interne à son art que Rick Alverson nous propose un film digne de Jean-Luc Godard. Il le déclare d’ailleurs dans le dossier de presse du film : « Je veux que le public réfléchisse à la forme tout comme moi j’y ai réfléchi en amont. Je veux que les spectateurs soient conscients du corps du film. J’espère aussi que leurs yeux seront distraits par la bande passante de l’ordinateur ou la tête qu’ils ont devant eux au cinéma. Il y a plein de ruptures dans mon film qui permettent ce désengagement. Je veux que le public devienne méga-cognitif. Regarder un film devrait être une expérience constructive. »

 

Résister à la passivité, oui, mais comment ?

On l’aura donc compris, les images glacées que ce long métrage nous donne à voir ne sont pas là pour être admirées, mais pour être comprises et analysées. La métaphore de la lobotomie est donc bien compréhensible pour nous mettre en garde contre les télévisions qui veulent nous anesthésier et ne s’intéressent à nos cerveaux que « pour leur vendre des produits de grande consommation », ainsi que l’a affirmé il y a quelque temps un directeur d’une chaîne de télévision française, et qui avait bien sûr fait scandale. Le scandale est d’ailleurs présent dans notre société, et tout au long de ce film, jusqu’au moment où Andy se révolte enfin contre ce monde établi et injuste et va subir à son tour une lobotomie qui va le transformer à son tour en légume. Tout le monde vous encourage à ne pas penser, à donner vos neurones en pâture à des machines de destruction massive. Rick Alverson vous exhorte à ne pas vous laisser manipuler, mais comment ? Un film peut-il à lui seul changer le cours du monde ?

Titre original : The Mountain

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Durée : 108 mn


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