The Last Show (A prairie home companion)

Article écrit par

Saint Paul, Minnesota, au beau milieu de l’Amérique. Le Fitzgerald Theater (du nom de l’écrivain, natif de la ville) abrite depuis 30 ans l’enregistrement public d’un show radiophonique hebdomadaire, le Prairie Home Companion. Mais le théâtre est racheté par une société texane pour être transformé en parking public. La dernière séance d’enregistrement a lieu, où […]

Saint Paul, Minnesota, au beau milieu de l’Amérique. Le Fitzgerald Theater (du nom de l’écrivain, natif de la ville) abrite depuis 30 ans l’enregistrement public d’un show radiophonique hebdomadaire, le Prairie Home Companion. Mais le théâtre est racheté par une société texane pour être transformé en parking public. La dernière séance d’enregistrement a lieu, où les « stars » locales vont blaguer et chanter devant les micros pour la dernière fois.

« La mort d’un vieil homme n’est pas une tragédie », c’est un membre de la troupe qui le dit, lorsque le corps sans vie de Chick Akers, chanteur country et compagnon de la joyeuse bande du Prairie Home Companion, est découvert dans sa loge. Mort dans son fauteuil après sa dernière chanson, dans l’attente tranquille de quelques grivoiseries. Mort sans pathos ni tragique, sans coups de feu ni coup de théâtre, à peine quelques larmes vite ravalées (The show must go on). Mais, au beau milieu de ce naufrage, il s’agit bien sûr d’une disparition très symbolique. Car dans le corps sans vie de Chick Akers, chanteur et acteur ridé comme une vieille pomme, c’est un alias célèbre que le vieil Altman (82 ans lui-même) a tué devant nous. Le personnage de Chick Akers est incarné par L.Q. Jones, qui fut un acteur de Raoul Walsh, Don Siegel ou encore Sam Peckinpah (Major Dundee, La Horde sauvage, Coups de feu dans la sierra…). Autant dire, à l’image de Robert Altman lui-même, une figure – et une « gueule » – du cinéma américain.

Le vieil acteur disparaît au milieu d’un film où l’humour est parfois graveleux (les Laurel et Hardy country et leur chanson peu correcte, comme un pied de nez au Texan tellement chrétien qui les observe), parfois plus grinçant (le même très chrétien vautour texan, incarné par Tommy Lee Jones inculte et d’un christianisme peu charitable en réalité). D’aucuns reprocheront peut-être à Altman de confondre fraîcheur et verdeur : un faux débat, comme le démontre cette fable habile où la jeunesse d’un acteur se mesure à sa faculté, toujours renouvelée, à improviser. Pourtant The Last show est plus grave qu’il n’y paraît. Au fond, le « hasard objectif » qu’il met en scène avec ces recettes qui ont fait les meilleurs films du cinéaste ne parle que d’elle : la mort. La mort d’un homme et celle d’un cinéma. Une mort personnifiée (blonde en imper blanc, clin d’oeil à une femme fatale elle aussi disparue), une mort sublimée façon teenager (la jeune fille aux idées suicidaires, qui improvise l’épitaphe du show), une mort dans tous les cas omniprésente (les deux sœurs qui ne cessent de rappeler la mémoire de leur mère). Blond, tendre et doux comme une brioche (très beau travail sur les couleurs et les lumières), ce cinéma qui rend hommage à la comédie ressemble aussi à une pavane pour une Amérique défunte.

Plus proche sans doute de Nashville que de Short Cuts, The Last show partage avec les meilleurs films de Robert Altman, l’immense talent de directeur d’acteurs du cinéaste. La formule des « destins croisés », qu’on aurait pu croire éculée, fonctionne encore à merveille, et Meryl Streep, enfin délivrée des oripeaux haute-couture et d’un vain mimétisme avec Glenn Close (Le Diable s’habille en Prada, en 2006), est de nouveau l’Américaine moyenne, un tantinet plouc (pour le meilleur), qu’elle sut ailleurs, avec d’autres, si bien incarner. On avait vu Altman lui-même se perdre dans les strass de la haute-couture (Prêt-à-porter) : il retrouve dans The Last show ses habits de « vieux », mais fier de l’être.


Warning: Invalid argument supplied for foreach() in /home/clients/8d2910ac8ccd8e6491ad25bb01acf6d0/web/wp-content/themes/Extra-child/single-post.php on line 73

Lire aussi