Fin d’un monde et renaissance de l’humanité
L’opposition que dessine Tom Cuisinier-Rosset, auteur de « Le cinéma post-apocalyptique. Une poétique de l’après », entre la « Fin du monde humain » et la « Fin de l’humanité », permet de mesurer l’écart entre The Last Girl et des films de zombies traditionnels. Dans ces derniers, la fin du monde correspondait à la fin de l’humanité, c’est-à-dire la fin des valeurs qui faisaient du monde un monde humain ; les humains survivants de The Last Girl, militarisés à l’excès et aveuglés par leur croyance en la science, illustrent cette tendance en se croyant les derniers dépositaires de l’humanité. Or, ce que montre le parcours initiatique de Melanie dès lors qu’elle et un petit groupe d’humains fuient le camp pris d’assaut par les affamés, c’est que la deuxième génération de zombies a fait siennes les valeurs humanistes enseignées par Miss Justineau (Gemma Arterton).
Il y a même transfert de ces valeurs. Alors que les survivants se replient dans la brutalité et la haine des autres – « Erreurs de la nature », répètent chaque matin les soldats aux enfants du camp –, ces derniers font preuve d’écoute, de curiosité et d’intelligence. Ces créatures hybrides représentent l’avenir de l’humanité, en tant qu’ensemble de valeurs culturelles indépendantes de l’espèce biologique qui les a définies.

La crise de l’anthropocentrisme
Pour autant, The Last Girl ne bascule pas dans un idéalisme compassionnel où l’amour et la diplomatie remplaceraient sans heurts la violence. Sans pathos aucun s’enchaînent les actions et les morts, dans une mise en scène efficace, rythmée par une musique dissonante, qui ne laisse sciemment pas de place au lyrisme, qu’il soit élégiaque ou enchanteur. C’est dans l’action, et non dans le discours, que se reconstruit une nouvelle humanité.
Faut-il voir dans The Last Girl une métaphore politique ? Le récit ne renvoie guère à l’actualité, si ce n’est la crainte de l’isolationnisme après le Brexit. Cependant, la perspective qu’il adopte sur l’apocalypse peut sans doute référer à la crise écologique actuelle, dont on sent l’écho lors des séquences dans une Londres en ruines, où se dressent à présent de magnifiques forêts. Insidieusement fait son chemin l’idée qu’il faut certes sauver le monde, mais que ce monde régénéré peut très bien se passer des humains.
