Le portrait d’une jeune femme en quête d’émancipation
L’intention du réalisateur est claire : dresser le portrait d’une jeune femme en lutte contre les codes sociaux qui la briment, à l’image du personnage principal de son film précédent, Bullet Boy, en la rendant aussi contemporaine que possible. Le contexte historique initial de la vie de Georgiana Spencer n’est qu’un prétexte pour développer ce thème de l’émancipation. Le choix de Keira Knightley, égérie de la mode (comme son personnage) et actrice dans le vent, est sur ce point judicieux : elle compose une héroïne romantique crédible, déchirée entre les règles arbitraires qu’on essaie de lui imposer et ses propres sentiments. Trop tôt mariée, elle ne s’éveille qu’à contretemps à la sexualité. Même sa mère (géniale Charlotte Rampling) ne l’aide que jusqu’à un certain point : celui où les intérêts du mariage ne sont pas mis en péril. Seules comptent les bienséances et la préservation des lignées. Belle idée initiale, donc, que l’itinéraire de cette jeune femme.
Un portrait trop lisse
Malheureusement, le film ne pousse pas très loin son propos. En privilégiant l’approche strictement émotionnelle, Saul Dibb diminue la portée de la révolte qui sourd. De manière frustrante, l’on reste alors indifférent aux bouleversements purement psychologiques que rencontre cette dernière. De plus, l’académisme de la mise en scène (heureusement servie par des lumières fantastiques et un décor somptueux) affadit d’autant le récit.
Policé, lointain, le film devient alors ennuyeux, à peine divertissant. L’amoureux transi (Dominic Cooper) n’arrange rien : il paraît terriblement insignifiant à côté de l’héroïne cornélienne qu’est Georgiana Spencer. Les tableaux sont certes finement composés : voir la séquence du déjeuner à trois avec les deux chiens au premier plan à gauche. La surcharge de musiques romantiques (ah, ces violons !…) achève d’édulcorer les révoltes de l’héroïne. Même l’adolescente casse-pieds et moderne que Sofia Coppola avait fait de Marie-Antoinette est plus attachante.
Un bon produit commercial ? …. Même pas sûr !
Que reste-t-il au final ? Allez, ne soyons pas bégueules, The Duchess remplit son contrat de film d’époque à l’eau de rose… Quoique l’on est tenté de se demander si les jeunes filles de 2008 trouveront leur compte dans cette tentative de libération avortée. Certes, le scénario est limité par la réalité des faits vécus par la Duchesse de Devonshire. Mais la vie de celle-ci est bien plus riche, si l’on en croit la romancière Amanda Foreman. Engagement politique progressiste (certes un peu développé dans le film), fanatique de jeu jusqu’à l’endettement le plus extrême, voilà des aspects qui auraient pu donner plus de profondeur et d’intérêt à ce personnage et au film.