Tehilim

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Deux ans auparavant, Tel-Aviv resplendissait dans une oeuvre profondément riche et qui dégageait un doux parfum de femme, celui d´une liberté prise dans un engrenage immobilier, une forme de thriller métaphysique qui repoussait les limites du manichéisme. Avanim crevait l´abcès d´un cinéma français particulièrement pauvre et qui continue de nos jours à sombrer dans des […]

Deux ans auparavant, Tel-Aviv resplendissait dans une oeuvre profondément riche et qui dégageait un doux parfum de femme, celui d´une liberté prise dans un engrenage immobilier, une forme de thriller métaphysique qui repoussait les limites du manichéisme. Avanim crevait l´abcès d´un cinéma français particulièrement pauvre et qui continue de nos jours à sombrer dans des facilités de mise en scène alarmantes. L´auteur, un certain Raphaël Nadjari confirmait avec cette somptueuse pépite, une filmographie lumineuse dont le thème de l´errance identitaire traversait intelligemment des oeuvres modestes et périlleuses à la fois.

Avec son ultime film, Nadjari décide de poser sa caméra dans la ville de Jérusalem, plus précisément au beau milieu d´une famille ordinaire, avec son lot de tracasseries, d´engueulades et de bonheur retrouvé. La religion, thème récurrent chez Nadjari, enveloppe discrètement leur quotidien sans pour autant les obliger à adopter une règle de vie des plus strictes. Tout semble anodin jusqu´au jour où l´irrationnel pointe le bout de son nez.

La séquence est belle et concise à la fois. En quelques minutes, la figure paternelle, omniprésente dans le coeur de Menachem et David, ses deux enfants, va disparaître du cadre sans prévenir, sans laisser le temps aux enfants de respirer, de prendre leur souffle et d´aller de l´avant. Que se passe t-il dans la tête du père lorsqu´il sort de la voiture pour aller s´engouffrer dans un tunnel de vomi ? Menachem réponds en se terrant dans un silence plaintif tandis que David, de son regard étrangement serein, suit son frère aîné dans une longue complainte muette.

Comme dans L´Avventura d´Antonioni, l´auteur choisit de filmer une communauté qui s´emmêle les pinceaux, n´arrivant plus à déposer quelques couleurs sur une toile assombrie par l´illogisme humain. Cette ténébreuse affaire est portée à son paroxysme avec la disparition d´un des personnages principaux et dont les raisons ne seront jamais dévoilées car trop enfouies dans un gouffre aux chimères vertigineux. Comme dans le cinéma moderne de Rossellini, il est question de désagrégation d´un noyau familial, celui d´un microcosme qui ne pourra plus vivre comme autrefois. Le présent, véritable cadavre, donnera un futur secret et inachevé.

La caméra de Nadjari, discrète et passionnée, suit les contours d´un désir, celui de renaître après une période de chaos. Que choisir ? Oublier et vivre ou se morfondre dans un système de dépression qui anéantirait tout besoin, toute envie, tout élan amoureux ? En cela, la famille paternelle investit l´appartement de Menachem et de David, rejetant leur mère contre un mur de lamentations et les obligeant discrètement à déposer leur tristesse dans une série de psaumes religieux (Tehilim). Là, Nadjari frappe fort car son cinéma sensibilise sans appuyer sur les traits lourds de l´académisme, sans pointer du doigt l´idéologie intégriste des oncles de Menachem et de David, sans forcer le spectateur à pousser la gueulante contre ces pourris qui dénaturent l´esprit de famille.

Tehilim est une oeuvre respectable et profondément intelligente car elle aspire à un échange. Un dialogue qui sans doute serait la solution à des maux ou à des vertiges qui handicapent notre société, une idée de l´art cinématographique qui nous rassure car trop peu présente dans le cinéma français et surtout une joie de vivre tant ces images sont gravés dans nos esprits pour l´éternité et un jour.

Titre original : Tehilim

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Durée : 96 mn


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