Sortie DVD : « Il a déjà tes yeux »

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Sortie en dvd du dernier film de Lucien Jean-Baptiste « Il a déjà tes yeux ». Politique, drôle et émouvant à la fois.

Quand bien même son sujet un peu racoleur – un couple de noirs adoptant un enfant blanc -, pouvait susciter la méfiance, le réalisateur de La Première Etoile (2009) s’en tire admirablement, tirant tout le potentiel de cette situation de base et prouvant que l’on peut faire du cinéma populaire sans niveler par le bas.

Non content de tenir un postulat en effet accrocheur, Lucien Jean-Baptiste parvient à accoucher d’une comédie de grande qualité, sans temps mort, enrichie de plus par une réflexion sur le vivre-ensemble et les mentalités sclérosées, ainsi qu’une vraie émotion.

Un scénario admirable

On sent son investissement dans cette fable sociale qu’il a à la fois écrite, mis en scène et dont il tient le premier rôle avec sincérité. Avec une grande générosité, il convoque autour de lui plusieurs comédiens au diapason dans un esprit de troupe joyeux et attachant caractéristique de ses productions – et on note la réapparition de Michel Jonasz, un fidèle de son univers. Aissa Maïga se révèle formidable de justesse et confirme encore une fois son statut d’ambassadrice idéale des acteurs français d’origine africaine. Vincent Elbaz trouve lui aussi un beau rôle de personnage excentrique, à la fois dépassé et doué dans des moments inattendus, ayant tracé son propre chemin. A son image, les personnages, même si secondaires, ne sont jamais fonctionnels, anecdotiques ou caricaturaux – même le personnage de Zabou Breitman n’est pas un « méchant » archétypal comme il l’aurait sans doute été dans une version hollywoodienne. Tous ont une histoire, une singularité, une identité forte, qui témoigne là aussi des qualités d’écriture indéniables du Martiniquais. Une autre concerne les dialogues, jamais invasifs, mais au contraire bien sentis et servant une belle rythmique qui cependant laisse parfois aussi la place à de poignantes séquences au potentiel lacrymal.
 


A l’italienne

L’adhésion et l’empathie se révèlent en effet telles qu’on ne peut s’empêcher de verser des larmes lors de la scène dans laquelle, allant au-delà des clichés, les représentants de l’Aide sociale à l’enfance voient soudain comme une évidence que Paul et Salimata Aloka s’occupent du petit Benjamin. Le rire et les larmes parfois même viennent en même temps dans le sillage des plus belles comédies italiennes, drôles, sociales et bouleversantes à la fois, dont Il a déjà tes yeux se réclame et se révèle d’ailleurs un très digne héritier.

Il arrive à se hisser à ce niveau par sa justesse de ton très estimable, l’acuité et la pertinence de son regard sur la société actuelle, sa fantaisie – partant d’une idée un peu farfelue – et sa tendresse mêlées, et son sens du collectif – à voir combien de personnages peuvent par exemple se retrouver dans un cadre, et comment la mise en scène sert à la fois l’efficacité comique, émotionnelle et le propos social du film avec à la fois simplicité et maîtrise.

Sans avoir l’air de rien et avec une appréciable modestie, Il a déjà tes yeux s’impose ainsi comme un condensé assez irréprochable ce qu’on peut faire de meilleur dans le paysage de la comédie française actuelle.


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