Rencontre avec Tony Ching

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Réalisateur des « Histoires de fantômes chinois », Tony Ching (ou Ching Siu-Tung) était au Festival international du film fantastique de Bruxelles (Bifff) pour présenter sa dernière grosse production, « The Sorcerer and the White Snake », avec Jet Li. L’occasion de rencontrer l’un des piliers du cinéma hong-kongais.

C’était l’une des grandes avant-premières du dernier Bifff : la projection de l’un des derniers gros succès du cinéma chinois, The Sorcerer and the White Snake, avec Jet Li dans le rôle principal. Réinterprétation à grand spectacle d’un classique de la littérature chinoise, qui avait déjà donné lieu à une adaptation signée Tsui Hark (Green Snake), The Sorcerer and the White Snake marque aussi le retour aux commandes d’une grosse production de Tony Ching. Ce vétéran de l’industrie hong-kongaise est connu du grand public pour avoir réalisé vers la fin des années 1980 la trilogie des Histoires de fantômes chinois. On attribue souvent la paternité de ces films de fantasy au producteur de la saga, qui n’est nul autre que Tsui Hark, mais Tony Ching a su prouver pendant sa carrière que sa connaissance des arts martiaux et du cinéma pouvaient générer de grandes réussites : Duel to the Death, Terracotta Warrior, Dr. Wai et les Swordsman l’ont montré, tandis que ses talents de chorégraphe ont contribué au succès de films comme Shaolin Soccer, Hero, Le Secret des poignards volants ou encore Les Seigneurs de la Guerre.

Les années 2000 ont malgré tout été moins glorieuses pour le metteur en scène, parfois réduit à diriger la deuxième équipe d’un film d’Uwe Boll (King Rising) ou à signer un DTV fauché avec Steven Seagal (Belly of the Beast). Après avoir repris du poil de la bête en travaillant sur la cérémonie d’ouverture des JO de Pékin, puis sur la fresque guerrière Kingdom of War avec Donnie Yen, Tony Ching a mis toutes les chances de son côté en engageant une star qu’il connaît bien, Jet Li, et en adaptant une histoire connue de tous en Asie : celle de deux femmes-serpent, dont l’une veut quitter le monde des esprits et vivre une histoire d’amour impossible avec un humain. Elle se heurte à un moine bouddhiste (Jet Li) chasseur de démons, et face à cet amour contrarié, va déchaîner les éléments contre son temple.

 

Le résultat est pour le moins mitigé : à force de vouloir plaire à tout le monde, The Sorcerer and the White Snake est souvent incohérent, multipliant les personnages incongrus et les ruptures de ton malvenues. Une ménagerie d’animaux parlants échappée de Narnia côtoie des vampires sortis de Van Helsing, Jet Li écope d’un rôle monolithique et est finalement peu présent avant le dernier acte, et surtout, l’abondance d’effets numériques allant de l’impressionnant (un raz-de-marée calqué sur 2012, un duel martial qui fait s’écrouler un pâté de maisons) au franchement raté (les serpents du titre sont honteux, tout comme certains décors virtuels) rend le film parfois visuellement indigeste.

Dans la courte interview qui suit, rendue parfois difficile par la traduction en chinois, Tony Ching assume clairement le côté commercial de l’entreprise, qui lui a permis d’être à nouveau l’année dernière au sommet du box-office local. En attendant, The Sorcerer and the White Snake n’a toujours pas de date de sortie prévue en France.

Vous retournez ici à un genre qui vous a rendu célèbre, mais que vous n’aviez pas abordé depuis de nombreuses années. Qu’est-ce qui vous a attiré à nouveau vers cet univers de fantasy, des années après Histoires de fantômes chinois ?

Chaque réalisateur aime tenter de nouvelles choses. J’ai déjà une certaine expérience dans le domaine des films à grand spectacle, mais je voulais travailler sur un projet impliquant de nombreux effets numériques, car généralement, ce sont plutôt les films occidentaux que l’on associe à ce type de spectacles. Je voulais combiner le kung-fu chinois avec des techniques modernes, partir de ce que nous savons faire de mieux pour lui donner une nouvelle dimension. Ce film est vraiment pensé pour une audience mondiale, pas seulement pour les Chinois : les enfant seront attirés par le côté merveilleux des animaux parlants, comme ces souris qui ont un rôle important, il y a une grande histoire d’amour, il y a de l’action, de nombreux effets spéciaux…

 

Vous n’aviez pas tourné avec Jet Li depuis Dr. Wai. Comment se sont déroulées vos retrouvailles ?

Le statut de Jet Li a changé depuis toutes ces années. Il a maintenant l’habitude de tourner dans des films américains. Mais c’est un grand acteur, c’est un plaisir d’avoir pu à nouveau travailler avec lui.

Certains plans du film semblent faire directement référence à de grands succès hollywoodiens, comme Le Seigneur des anneaux ou 2012. Était-ce une façon de montrer que le cinéma chinois aussi peut réaliser ce genre d’effets spectaculaires ?

C’est plus une coïncidence. Quand on fait des films fantastiques comme celui-ci, les histoires sont plus ou moins les mêmes. Ce n’est pas mon but d’imiter des scènes d’autres films. D’un autre côté, nous pourrions aussi dire que certains films occidentaux tentent d’imiter les films asiatiques. Les réalisateurs américains comme chinois peuvent apprendre les uns des autres.

Tsui Hark a lui aussi retrouvé Jet Li pour son nouveau film, Flying Swords of Dragon Gate 3D. L’avez-vous vu, et auriez-vous envie de tourner en 3D ?

Je suis effectivement intéressé par cette possibilité. Mais je ne suis pas encore familier de cette technique. Cela prend du temps et coûte beaucoup d’argent. Si les conditions sont réunies autour d’un bon projet, cela pourra arriver un jour, oui.

Quelle importance a eu selon vous la trilogie des Histoires de fantômes chinois dans votre carrière ?

Ces films m’ont vraiment aidé à me lancer, c’est vrai, même si le premier épisode était déjà personnellement mon troisième film. J’ai pu rencontrer beaucoup de personnes influentes grâce à ça, donc oui, ils sont très importants pour moi.

Quels sont vos prochains projets ? Un nouveau film fantastique, peut-être ?

Je m’apprête à partir en Inde pour être directeur des cascades sur une production locale, et dès la fin de l’année, j’entamerai le tournage d’un nouveau film, qui sera effectivement fantastique.

 

Pour finir, petit retour sélectif sur la profilique carrière de Tony Ching :

Réalisateur :

2011 : The Sorcerer and the White Snake
2008 : Kingdom of War
2003 : Belly of the Beast
2002 : Naked Weapon
2000 : Conman in Tokyo
1999 : L’Âme-Stram-Gram (clip pour Mylène Farmer)
1996 : Dr. Wai
1994 : Wonder Seven
1993 : Executioners; The Mad Monk; Swordsman III : The East is Red
1992 : Royal Tramp 1 & 2; Swordsman
1991 : Histoires de fantômes chinois 3; The Raid
1990 : Histoires de fantômes chinois 2
1990 : Terracotta Warrior; Swordsman
1987 : Histoires de fantômes chinois
1985 : Le Sorcier du Népal
1983 : Duel to the Death

Chorégraphe martial / Coordinateur cascades / Directeur deuxième équipe :

2010 : Future X-Cops
2009 : The Treasure Hunter
2007 : King Rising
2007 : Les Seigneurs de la Guerre
2006 : La Cité interdite
2004 : Le Secret des poignards volants
2002 : Hero
2001 : Shaolin Soccer
2000 : The Duel
1998 : The Black Sheep Affair
1993 : Heroic Trio
1993 : Butterfly Sword
1992 : L’Auberge du dragon; Twin Dragons
1989 : The Killer
1988 : Roboforce
1987 : Le Syndicat du crime 2
1986 : Peking Opera Blues
1980 : The Sword; L’enfer des armes
1974 : Shaolin Boxer
1972 : Les 14 Amazones


Le seul et unique Histoires de fantômes chinois (1987)

 

Propos recueillis par Nicolas Lemâle – Avril 2012 


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