Quelque chose à te dire

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Sans surprise ni personnalité, « Quelque chose à te dire », pourtant bavard et démonstratif, ne dit finalement pas grand-chose. Cet énième film sur une famille en crise, dont les secrets des générations précédentes hantent les nouvelles, se regarde cependant sans déplaisir, grâce à la conviction des acteurs et la solidité des dialogues. Mais est-ce suffisant pour faire du cinéma ?

Au moins, Quelque chose à te dire ne risque pas de perdre son spectateur : celui-ci est guidé dès la première séquence par la voix radiophonique de Brigitte Lahaie, dont l’émission sur RMC pose clairement problématique et enjeux du film : « Est-il possible d’échapper aux erreurs de ses parents, où les reproduisons-nous nécessairement ? », dit en substance la voix du générique. On est alors rassuré, non seulement, on sait où on est, mais en plus, on n’aura pas besoin de beaucoup réfléchir devant cette histoire familiale qui ne s’écartera pas un instant de son programme.

À cette prudence, la réalisatrice Cécile Telerman ajoute une sécurité supplémentaire, en distribuant les rôles principaux à des acteurs immédiatement identifiables dans les personnages qu’ils interprètent. Ainsi donc la famille Celliers se compose d’une Mathilde Seigner artiste et (un tout petit peu, il ne faut pas trop choquer tout de même) autodestructrice, ou d’un Pascal Elbé paumé après avoir perdu une partie de la fortune familiale en faisant faillite avec une entreprise de riz équitable. Ces deux là étaient d’ailleurs déjà à l’affiche de Tout pour plaire, le précèdent film de la réalisatrice ayant totalisé 1 433 600 entrées en 2005, roue de secours supplémentaire pour le succès du film. Vous voulez la mère, frustrée et bourgeoise ? Donnez moi une Charlotte Rampling en grande forme. Et que vient donc faire Olivier Marchall dans cette famille dont on sait que les problèmes immémoriaux vont se résoudre à force de crises, de confrontations et de coup de théâtre, le tout en moins d’une heure quarante ? Hé bien, Alice, le personnage de Mathilde Seigner, a de mauvaise fréquentations et quand un dealer lui met, contre sa volonté bien sûr, un sachet de cocaïne dans son sac, elle se retrouve dans un commissariat où elle ne manquera pas de croiser un flic déprimé et désabusé. C’est là, entre ce policier au bout du rouleau et cette artiste perdue mais volontaire, l’amour au premier regard. Il détruit le sachet de cocaïne en le jetant par la fenêtre sans aucune considération pour les oiseaux, elle se jette dans les bras de ce preux chevalier au son des violons. Et bien sûr, ses problèmes familiaux à lui rejoindront ses secrets de famille à elle.

Passons donc sur l’incohérence du scénario, sur la transparence de la mise en scène, sur le caractère prévisible de l’ensemble, sur l’emploi systématique de « maux d’auteur » sursignifiants, empêchant les personnages de respirer et les enfermant dans une écriture guindée et un brin vieillotte, et sur une fin aussi téléphoné qu’improbable, pour nous concentrer sur les éléments qui font que malgré tous ces défauts, le film se regarde sans ennui. La perfection du jeu des acteurs, qui arrivent à nous faire avaler les ficelles d’un scénario où les coïncidences se succèdent avec un illogisme implacable y est pour beaucoup. Le couple Charlotte Rampling et Patrick Chesnais est ainsi crédible et touchant et un semblant d’émotion artificiel passe quand ils se retrouvent seuls pour fêter leurs 40 ans de mariage et décident enfin d’enlever leurs masques. On a aussi le plaisir cinéphilique de croiser le temps d’une scène Françoise Lebrun, dont la voix lasse et traînante appelle le fantôme d’Eustache dans un film aux antipodes de son cinéma.

C’est somme toute la même sensation éprouvée devant ce film que celle que l’on peut ressentir quand on tombe par hasard sur un téléfilm mélodramatique tard le soir, et, qu’incapable de faire l’effort de changer de chaîne, nous le suivons jusqu’au bout. On parlait à une époque de théâtre filmé pour désigner péjorativement un film n’utilisant pas des moyens cinématographiques pour raconter son histoire. On pourrait ici parler de « téléfilm filmé », tant Quelque chose à te dire, sans gommer les défauts télévisuels du produit, en accentue les qualités : propreté de l’exécution, solidité de l’écriture, traversée de chemins connus avec une conviction sidérante. L’impression d’être dans une salle de cinéma s’évapore peu à peu, et celle d’être avachi dans son canapé, télécommande à la main, se fait de plus en plus grande. Magie du « téléfilm filmé », qui nous fait traverser les lieux pour nous ramener sans danger vers le plus connu et le plus sûr d’entre eux : notre écran de télévision.

Titre original : Quelque chose à te dire

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Durée : 100 mn


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