Paul

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Trépidant hommage au cinéma de Spielberg, « Paul » a le mérite de nous rassurer sur les capacités d´exportation de l´univers de Pegg et Frost, les duettistes de « Shaun of the Dead », en même temps qu´il offre un divertissement qui va réjouir les nostalgiques de l´époque Amblin.

Deux films auront suffi à Simon Pegg et Nick Frost, acteurs et scénaristes anglais alors uniquement connus pour la sitcom confidentielle Spaced, pour devenir les héros de leur époque, les chantres d’un humour britannique nouveau, à la fois geek et sarcastique, référentiel et populaire : Shaun of the Dead, la proto-comédie zombiesque qui depuis sa sortie sonne comme un cri de ralliement pour tout bon cinéphage ; et Hot Fuzz, qui a fait chavirer de bonheur ces mêmes action-maniaques trentenaires qui attendaient Expendables la bave aux lèvres.

Depuis, c’est surtout la carrière de Pegg qui a décollé aux USA, destination logique de tout acteur british reconnu : régulier de JJ Abrams (MI 3, Star Trek), invité étonnant de comédies romantiques loufoques et même nouvelle star de la voix off (de L’Âge de glace 3 à Narnia 3), Pegg s’est construit un sacré carnet d’adresses, au contraire de Frost qui a surtout persisté dans le cinéma anglais (Good Morning England).

C’est donc le statut du premier qui a permis de mettre sur pied ce Paul, comédie de science-fiction à gros budget qui avait tout du défi pour le duo, scénaristes pour l’occasion d’un divertissement populaire « à l’américaine » : une manière de venir jouer dans le jardin des idoles qu’ils parodiaient jusqu’à présent à longueur de films et de séries, avec leur comparse Edgar Wright (parti inventer de nouvelles formes de divertissement vidéo-ludique de son côté, avec Scott Pilgrim).

Supergrave, Paul : même combat ?

Dans Paul, tout repose sur le personnage-titre : un alien débonnaire qui ressemble trait pour trait au cliché de l’ET tel qu’on se le représente depuis cette fameuse année 1947et le crash de Roswell. Et pour cause : c’est son visage qui a été reproduit « commercialement » depuis son arrivée ! Entièrement créé en CGI, avec la voix de Seth Rogen (bien plus à son aise derrière son micro que dans Le Frelon vert), Paul vient perturber lors d’une nuit agitée le quotidien de Graeme (Pegg) et Clive (Frost), deux incurables geek fans de science-fiction, venus aux Etats-Unis faire un pèlerinage ufologique en camping-car. Une fois l’alien, échappé de la zone 51, embarqué dans leur voyage, le film s’emballe – se réveille, plutôt, vu le manque de rythme évident des dix premières minutes -, et se transforme en course-poursuite effrénée, parsemée de rebondissements hénaurmes et de personnages azimutés.

Le réalisateur « invité » de Paul, Greg Mottola, est ici en territoire inconnu. La dynamique du scénario de Pegg et Frost, même si elle s’inscrit dans un héritage cinématographique bien précis, s’approche clairement de Supergrave, son précédent film, lui aussi conçu comme une comédie prenant son temps pour installer ses personnages avant d’accélérer en ligne droite dans ses deuxièmes et troisièmes actes, tandis que chaque arc scénaristique esquissé atteint successivement son point de rupture. Ici, il s’agit de la jalousie de Clive et de son complexe d’infériorité, de la romance entre Graeme et Ruth, ou encore de la relation entre Paul et l’agent du FBI à ses trousses, Lorenzo Zoil (oui, oui, « Lorenzo’s Oil » !). Sans parler du caméo prestigieux en fin de parcours, coup d’éclat logique d’une œuvre qui s’apprécie à la fois comme une escapade pétaradante en Technicolor, et comme une déclaration d’amour au cinéma d’un certain Spielberg, aussi maligne que savante.

Méta-comédie

C’est bien simple, toutes les œuvres du créateur d’ET et papa d’Amblin y passent d’une manière ou d’une autre : peu importe que le film débute au Comic-Con (reconstitué) et qu’il paie son dû à Star Wars et Star Trek. L’originalité ici, c’est qu’un personnage surnomme Paul « Demi-Lune », que le décor final soit un clin d’oeil direct à une certaine rencontre typée, ou que Clive cite sans sourciller le titre d’une série B avec Rutger Hauer. Ces titres de gloire des années 80, Paul les accepte dans sa conception comme des ancêtres dignes de respect, et en fait le sel même de son script : on nage même en plein dimension « méta » lors de la séquence où Spielberg consulte Paul par téléphone pour écrire son scénario, ou quand nos deux héros connaissent la gloire au Comic-Con en racontant dans un roman… l’histoire que nous venons de regarder !

Outre cette dimension réjouissante, Paul tire enfin une partie de son plaisir de sa création de synthèse, un alien parfaitement intégré à l’action et aux gags, instantanément charismatique et naturel, et pour cause : ses concepteurs se sont basés sur le jeu et la démarche de Rogen pour le définir. Trop humain pour être alien, trop étrange pour être comme nous, Paul est un parfait ressort comique, qui s’ajoute à une distribution riche de talents du même genre, de Jason « maxilliaires » Bateman à Bill Hader, en passant, bien sûr, par Pegg et Frost. S’ils ne réinventent la mécanique de leur duo (amitié d’ados attardés, airs constants d’ahuris hébétés), ces deux-là ont toutefois le talent pour l’intégrer dans un autre paysage filmique, qui leur va finalement comme un gant.

Titre original : Paul

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Durée : 102 mn


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