Notorious B.I.G.

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Décortiquant le mythe douze ans après sa disparition tragique, « Notorious B.I.G. » retrace l’ascension fulgurante de Cristopher Wallace, un intello rondouillard qui passe du deal aux disques d’or.

Il était une fois Christopher Wallace, un petit gros au physique ingrat, avec en prime un strabisme divergent ; un fils à maman qui n’avait rien pour lui à part un flow percutant et une répartie sans égale. Un flow qui, aidé par quelques bons coups du sort, fera d’un gamin timide de Brooklyn Notorious B.I.G., pape du story telling hip hop. La vie de Biggie Smalls avait tout pour faire un bon film hollywoodien, un destin de tragédie grecque teinté de conte de fée. De ceux dont on raffole : qui n’aime pas les anti-héros ayant tout pour perdre et qui finalement gagnent ? Mais d’où vient son secret ? Qu’est-ce qui fait que, douze-ans après son meurtre encore irrésolu, Biggie continue de hanter le hip hop actuel ?

Une question à laquelle Violleta Wallace, sa mère, Wayne Barrow et Mark Pitts, ses ex-producteurs, ont voulu répondre en produisant ce biopic. Une initiative qui a permis au trio de réaliser leur rêve, un film sans censure ni exagération sur l’incroyable histoire du poète des rues. Dans ce soucis de justesse, le scénario a été confié à Cheo Hodari Cocker, journaliste musical et auteur d’une biographie sur le rappeur qui a directement inspiré le film. Mais Cocker fut surtout le dernier à l’avoir interviewé, la veille de son assassinat, à la sortie des Soul train music awards. Non seulement Cocker avait eu la chance de faire plus de 5 heures d’entretien en tête à tête avec B.I.G., mais il a aussi, après sa mort, amassé de nombreuses conversations avec la plupart des figures incontournables de l’entourage de Wallace. Des rencontres qui lui ont permis de dresser un portrait kaléidoscopique du phénomène, entre amour et haine. Pour le film, Cocker a eu un énorme défi à relever : résumer les moments clés du parcours du maître du flow en retrouvant visuellement ce que Biggie Smalls avait réussi musicalement avec Ready to die et Life after death, résumer des pans entiers de sa vie dans les 3 minutes 30 d’une chanson.

Défi raté. Le film reprend chronologiquement la biographie de Christopher Wallace, scolairement, sans grande originalité scénaristique. De son enfance dans la violence de Bedfort Stuyvesant, l’un des quartiers les plus ravagés de Brooklyn, à son assassinat, en passant par ses frasques avec la drogue, la justice, le showbiz et ses relations tumultueuses avec les femmes (sa mère, les filles, sa fille, celles de passages et les maitresses instables) ; le tout en 1h55 chrono. Ce qui donne finalement l’impression d’une narration « TGV », qui ne laisse pas le temps de s’attacher aux personnages et leurs situations. Chaque moment de sa vie est résumé à l’extrême. Les anecdotes, à peine esquissées, laissent une impression d’album photos feuilleté à toute vitesse, sans que l’on nous raconte vraiment l’histoire cachée derrière chacune d’entre elles. Une impression de vitesse peut-être due aussi à la rapidité du tournage, seulement 38 jours pour un film de quasiment deux heures, ce qui est moins que pour un disque de rap… Il n’est pas inutile de prendre son temps.

Côté réalisation le trio de producteurs a choisi un fan de la première heure, George Tillman Jr. (Soul Food, Men of Honor et Barber Shop) Un choix a priori surprenant, pourtant devenu une évidence. Tillman avait beau ne pas être connu comme un réalisateur urbain brut de décoffrage, il a toujours eu une relation intime avec la musique de Notorious. D’ailleurs, quand le jeune Tillman débarque à L.A. dans une voiture de location, il n’a qu’une centaine de dollars en poche et Ready to die dans le lecteur cassette. Album qu’il conserve quasiment comme porte bonheur.

Pour ce film, Tillman a choisi de tourner exclusivement en décors naturels, entre Brooklyn et Los Angeles, dans les lieux qui ont vu évoluer Notorious B.I.G. Pour l’équipe du film, il était essentiel de tourner dans les rues où Biggie faisait ses premiers deals et battles, trouver la manière de vraiment saisir un monde aussi unique et reconnaissable que les années 80-90 de Brooklyn. Mais malgré ses bonnes intentions, Tillman signe ici l’histoire d’un rêve américain bling bling à la sauce hollywoodienne : gros moyens, gros effets pour finalement peu de profondeur. La personnalité légendaire du roi du hip hop est trop imprécise, mal esquissée et quasiment fade. Finalement peu attachante. On a du mal à avoir une réelle empathie pour ce personnage de gros ourson mal léché que nous laisse entrevoir Jamal Wollard.

Jamal Woolard a pourtant tout d’un Biggie en small. Il a grandi à quelques pâtés de maisons du terrain de jeu de Notorious et comme lui s’est fait un nom, « Gravy », dans le mixtapes underground, avant de signer pour une major. Comme lui surtout, il a été victime d’une fusillade, à la sortie des studios d’une radio new yorkaise, Hot 97, qui a valu à ses titres I know I know et Murder Murder le bannissement de l’antenne. Ajoutons à cela une ressemblance physique troublante et des attitudes similaires, et vous obtenez l’acteur idéal pour le rôle de Notorious B.I.G.

Un acteur-rappeur qui participe à la BO du film, où sont regroupé le meilleur des morceaux de Biggie. Mais aussi des inédits comme Brooklyn Go Hard de Jay-Z et Santogold ou encore Letter to B.I.G., un hommage de Jadakiss et Faith Evans, veuve de Biggie. Faith Evans fait également un morceau avec CJ, le fiston de Biggie. Sans oublier Now the day is over, le chant d’amour de Violetta Wallace à son fils, interprété par l’autre femme de sa vie, Faith Evans. Une bande originale qui porte particulièrement bien son nom, avec des démos inédites de Biggie. Sans oublier Danny Elfman, le compositeur fétiche de Tim Burton, qui signe l’ensemble des arrangements et des thèmes d’un film en demi notes.

Titre original : Notorious

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Durée : 115 mn


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