Nord

Article écrit par

Avec ce snow-movie thérapeutique et terriblement touchant, Rune Denstad Langlo intègre le clan des cinéastes scandinaves maîtres dans l´art de la pensée faussement négative.

Du blanc à perte de vue. Une station de ski déserte. Au bas des remonte-pentes qu’il a pour tâche de surveiller, Jomar, fraichement largué, incapable de faire le deuil de ses années de gloire comme skieur professionnel, végète et s’empâte. Ses journées se suivent et se ressemblent – bière, cigarette et émissions catastrophes sur le câble – jusqu’à ce qu’un vieux pote lui apprenne l’existence d’un fils, quelque part au nord du pays.

Passé le choc de la nouvelle – il abat un arbre pour se calmer, s’imbibe un peu plus que d’habitude, fout le feu à sa cabane – Jomar enfourche sa moto-neige et part en quête de sa progéniture. En chemin, il rencontre une ado têtue, prête à l’héberger dans son placard à condition qu’il l’accepte comme « meilleure amie », un grand blond détenteur d’une méthode infaillible pour se saouler en un temps record (attention, scène culte), un vieil homme enchaîné à la glace en attendant la fonte des neiges et d’autres solitudes pas forcément mieux loties, qui lui enseigneront comment faire de mauvaise fortune bonheur.

Il y a quelque chose de magique à observer ce doux géant en Moon boots (magnifiquement joué par Anders Baasmo Christiansen) avancer à tâtons vers une nouvelle vie on ne peut plus hypothétique. Rien n’est jamais grave, tout est envisageable dans ce poème contemplatif. Même la dépression chronique des personnages – soulignée par la rareté des dialogues – est abordée avec ce qu’il faut de finesse et d’impertinence pour ne jamais tomber dans le pathos ou la caricature.

Avec ce snow-movie thérapeutique et terriblement touchant, le Norvégien Rune Denstad Langlo intègre avec brio le clan des documentaristes passés à la fiction et rappelle combien les cinéastes scandinaves sont maîtres dans l’art de la pensée faussement négative.

Titre original : North

Réalisateur :

Acteurs : ,

Année :

Genre :

Durée : 78 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

La peau douce

La peau douce

Avec « La peau douce », François Truffaut documente une tragique histoire d’adultère seulement conventionnelle en surface. Inspirée par un fait divers réel, la comédie noire fut copieusement éreintée au moment de sa sortie en 1964 par ses nombreux détracteurs; y compris à l’international. Réévaluation.

La garçonnière

La garçonnière

A l’entame des “swinging sixties” qui vont pérenniser la libération des mœurs, « la garçonnière » est un “tour de farce” qui vient tordre définitivement le cou à cette Amérique puritaine. Mêlant un ton acerbe et un cynisme achevé, Billy Wilder y fustige allègrement l’hypocrisie des conventions sociales et pulvérise les tabous sexuels de son temps. Un an après avoir défié le code de
production dans une “confusion des genres” avec sa comédie déjantée Certains l’aiment chaud, le cinéaste remet le couvert. La satire aigre-douce et grinçante transcende la comédie; défiant les classifications de genre.