Muriel Leferle

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Muriel Lerferle est une jeune femme de 22 ans arrêtée dans une voiture volée, et qui comparaît au tribunal de grande instance. Avant l´étape du procès lui-même, avec le face à face entre l´interpellée et le juge (que le cinéaste filmera plus tard dans 10eme Chambre instants d´audience), Raymond Depardon s´intéresse avec ce film aux […]

Muriel Lerferle est une jeune femme de 22 ans arrêtée dans une voiture volée, et qui comparaît au tribunal de grande instance. Avant l´étape du procès lui-même, avec le face à face entre l´interpellée et le juge (que le cinéaste filmera plus tard dans 10eme Chambre instants d´audience), Raymond Depardon s´intéresse avec ce film aux trois étapes qui la précèdent : les entretiens successifs avec une substitut du procureur, puis le parquet et enfin son avocat commis d´office. Avec ce film, Depardon met au point un dispositif d´une grande économie : le plan fixe, comme trois tableaux (un triptyque pour dépeindre les usages de la justice).

Alors que la jeune femme se retrouve assise à un bureau, face à ces trois intervenants successifs, la caméra est posée sur le côté, filmant chaque scène dans sa longueur, avec les deux protagonistes de profils, comme une image et son reflet pris dans un miroir déformant. Une fois de plus, le parti pris minimaliste de Depardon permet de laisser le réel raconter l´histoire : les sons externes qui parasitent l´entretien, les lumières blafardes, le décors froid et le temps limité de ces entretiens en disent déjà beaucoup sur les conditions dans lesquelles la justice s´exerce. Face aux deux premières femmes qui l´interrogent, l´effet du miroir déformant est à son comble : à ces deux figures du système judiciaire français, habillées bourgeoisement, aux voix posées et sûres d´elles-mêmes répondent les hésitations, la peur et les mensonges de Muriel, dont on apprend qu´elle se drogue depuis ses 19 ans, qu´elle se prostitue parfois, vole, revend de la drogue et est séropositive. Reflet cruel qui ne manque pas d´opposer ce cercle vicieux personnel et intime à la rigueur froide d´une justice qui repose sur son socle.

Le cinéaste ne prend bien sûr jamais partie, son film possède d´ailleurs la valeur d´un document totalement inédit sur le fonctionnement du système judiciaire, puisque ces images là ne sont jamais montrées, car tout simplement interdites d´enregistrement. Dans sa troisième partie, alors que Muriel rencontre son avocat commis d´office, un peu d´humanité semble parvenir à percer le voile judiciaire. Peut-être parce qu´il s´agit d´un homme cette fois-ci, plutôt beau, et qu´il s´instaure une relation où la séduction trouve sa place. Sans doute aussi parce qu´il est le premier à s´intéresser au << cas >> Muriel d´une manière plus intime, prenant la peine d´adopter son point de vue à elle. Lorsqu´il lui dit qu´on << ne peut pas l´empêcher de mentir à la cour, mais [qu´]il faut absolument que le témoignage soit vraisemblable >>, il lui fournit sans doute la meilleure arme, puisque rien ne semble pouvoir l´empêcher de mentir. Il fait preuve ainsi d´une souplesse de raisonnement qui rassure un temps soit peu le spectateur, pris dans huis clos franchement angoissant.

Titre original : Muriel Leferle

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Durée : 77 mn


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