Mother and Child

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Destin croisé d´une mère et d´une fille que la vie sépare ou réunit au gré de ses humeurs. Il règne sur le film de Rodrigo García une atmosphère douce-amère propre aux aléas de la maternité.

Karen (Annette Bening) a dû faire adopter son bébé à sa naissance parce qu’elle n’avait que 14 ans. Trente-cinq plus tard, c’est au tour de sa fille Elizabeth (Naomi Watts) d’attendre un heureux évènement tandis que Lucy (Kerry Washington) espère, elle, adopter l’enfant qu’elle n’arrive pas à concevoir. Chacune de ces femmes, dont les destinées sont imbriquées, se pose une question : quel type de relation pourrait-elle entretenir avec l’enfant qu’elle n’a jamais connu, celui qu’elle attend et celui qu’on lui confiera. Dans Mother & Child de Rodrigo García – le fils du célèbre écrivain Gabriel García Màrquez –, produit notamment par Alejandro Gonzáles Iñárritu (Biutiful, 2010), ce sont donc différentes facettes de la maternité qui sont explorées. Les trajectoires des protagonistes s’entremêlent et se répondent dans des allers-retours spatio-temporels savamment orchestrés .
 
Chez Karen, c’est l’absence de sa propre mère malade qui nourrit son désir de revoir sa fille. Sa génitrice, taiseuse, comble à sa manière le vide laissé par l’enfant. Face à un chagrin qui la rend sèche et irascible, elle s’est enfermée dans une routine rythmée par son travail et les soins prodigués à sa mère. García la filme au chevet de cette dernière ou encore repoussant Paco, un collègue très entreprenant… En mettant en exergue la vacuité de son existence, le cinéaste rend vitale la démarche hésitante qu’elle entreprend pour retrouver sa fille.
 
Pour sa part, Elizabeth est devenue une brillante avocate portée par ses ambitions, ayant fait de sa propre liberté une priorité absolue. Elizabeth n’a besoin de personne, surtout pas d’une mère et encore moins des hommes qu’elle instrumentaliserait presque. Illustration : la scène d’amour entre la jeune femme, qui se fait maîtresse du jeu, et son supérieur hiérarchique interprété par Samuel L. Jackson, dans un registre inhabituel. Autre particularité de la trentenaire : la question de la maternité a été évacuée depuis l’adolescence. Néanmoins, son impensable grossesse fait  soudainement voler en éclats ses convictions.
 
Si Elizabeth n’a jamais été hantée par le fait d’être mère, c’est une préoccupation majeure pour Lucy qui, faute de pouvoir donner la vie, s’est tournée vers l’adoption avec son mari. Sa conquête d’un enfant se fait acharnée, car elle doit convaincre sa propre mère du bien-fondé d’investir dans une machine à désillusions. Elle rencontrera au passage une adolescente-mère, sorte d’alter ego d’un personnage bien célèbre (Juno  – 2007).
 
Au côtés des ces mères-courage, des hommes : un patron-amant pour Elizabeth, un collègue-époux pour Karen. Rodrigo García s’attelle à mettre en exergue leur rôle contrasté : à la fois cathartique et facultatif. C’est d’autant plus notable chez le mari de Lucy. Karen, Elisabeth et Lucy sont les seules responsables de leurs choix, la mise en scène de García soulignant par ailleurs à juste titre ce rapport intime et personnel à la maternité. Dans ces décors idylliques de maisons bien rangées et de paysages sublimés par la photo – tout comme les actrices – les masques se craquellent. Les enjeux psychologiques de chacun des personnages, principaux ou secondaires, se font jour progressivement et dans une grande clarté. Trop même parfois, au risque de rendre prévisibles chaque retournement de situation. Pas assez cependant pour gâcher une expérience intense parce qu’artistiquement sincère devant et derrière la caméra. D’une part car le trio féminin de cette comédie dramatique reste crédible jusqu’au bout, portant à bout de bras cette peinture de la maternité dans l’adversité. D’autre part, parce-que Rodrigo García sait mieux que jamais retranscrire les états d’âmes des femmes : on lui doit bien Ce que je sais d’elle…d’un simple regard  (2000).

Titre original : Mother and Child

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Durée : 125 mn


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