Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard

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Artiste aux multiples facettes, Alain Fleischer livre une oeuvre entièrement centrée sur les récentes années de travail d´une des plus grandes figures du cinéma d´auteur français. Bien plus séduisant par le contenu que par le contenant, le film brasse un certain nombre de thèmes aussi variés que l´Histoire, la politique, les nouvelles technologies et bien sûr, le cinéma. Un bouillonnant laboratoire d´idées…

Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard recouvre une période de dix-huit mois, au cours desquels l’ancien cinéaste de la Nouvelle Vague s’est livré à un travail de longue haleine qui, d’échecs en échecs, l’a conduit à s’exposer comme artiste au Centre Pompidou, dans le cadre de l’événement Voyage(s) en Utopie (2006). Présent tout au long du processus sur la demande du maître en personne, Alain Fleischer a eu l’opportunité de filmer les nombreux échanges que Godard a pu mener, à cette occasion, avec différentes personnalités du monde du cinéma et de la critique. Tourné tour à tour à Rolle – dans la maison et dans l’atelier du célèbre réalisateur, à Paris et au Fresnoy-Studio national des arts contemporains – coproducteur du projet, Morceaux de conversation avec J.L.G. expose l’intimité créatrice d’un cinéaste qui, sans jamais se réfréner, s’efforce coûte que coûte de coller avec son temps.

Le long-métrage, il va s’en dire, est avant tout focalisé sur Godard et ses discours. Toutefois, loin de considérer le personnage en ce qu’il a de plus sentencieux et parfois de plus sarcastique, Fleischer a ce mérite de filmer Godard non pour lui-même, mais pour la façon dont celui-ci réagit face à son entourage. Ainsi, constamment saisi en champ-contrechamp, le cinéaste vient bien moins à exposer ses thèses dans d’interminables interventions qu’à répondre tout simplement aux questions qu’on lui pose. Il ne s’agit donc pas d’idéaliser le cinéaste, mais d’envisager tout au contraire son rapport au Monde et de cerner ce qui fait de lui, comme de vous et de moi, un être humain…

 

Le cinéma, selon Godard, est fait, à l’image du microscope ou du télescope, pour voir des choses qu’on ne pourrait voir autrement. De ce parti pris, Alain Fleischer choisit de filmer Godard comme un individu qu’aucun de nous n’aurait pu voir ainsi, aux moments et aux lieux donnés. Le but du film, clairement, consiste à révéler, ou à tenter de révéler, la personnalité, ou du moins, le rôle auquel Godard se rattache vis-à-vis des autres. Mis en scène dans des postures différentes, selon qu’il parle avec Jean Narboni, Jean-Marie Straub, Dominique Païni, André S. Labarthe, Christophe Kantcheff et un groupe de jeunes vidéastes, Godard expose la matière dont il se compose. Une matière qui, sur le plan filmique, se rapporte à des images, des sons, des paroles.

Morceaux de conversations avec J.L.G., malheureusement, n’échappe pas à la contradiction. SI le principe énoncé par Godard lui-même conduit Fleischer à filmer les choses comme s’il s’agissait de les regarder pour la première fois, de quel droit le cinéaste se permet-il d’influer sur le cours du film au gré d’une logique, ou d’une lecture, extérieure aux choses elles-mêmes ? Fleischer cherche effectivement, et c’est là son tort, à souligner les points importants des discours de Godard au moyen de ralentis tant encombrants qu’arbitraires. Finissant par faire de l’effet et par donner au film une allure de texte filmé, le réalisateur oublie – malgré de bons moments comme ce plan de Godard en train de mâchouiller son cigare tandis que Straub vient à le complimenter – de traiter la réalité de son sujet, et cède à la tentation du formalisme et du conventionnel.

Reste, il est vrai, un très bon documentaire qui, riche d’étonnantes perspectives pour – ou contre – l’avenir du cinéma, ravira tous les amateurs du cinéaste franco-suisse.

Sortie le 21 janvier 2009

Titre original : Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard

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Durée : 125 mn


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