C’est à peu près tout. Tourné pour 225 000 dollars – une broutille, Whit Stillman aurait vendu sa maison pour financer son film -, Metropolitan s’attache aux pensées et conversations des personnages plus qu’à leurs actes. Unité de lieu – tous se retrouvent après les fêtes dans l’appartement de Park Avenue des parents de Sally – pour pallier le manque de moyens financiers, et ce sont les discussions que l’on suit. Ça tombe bien, ils savent tous très bien faire semblant d’être cultivés, et devisent littérature (Jane Austen surtout, qu’on n’a “pas besoin d’avoir lu pour en parler”), pensée socialo-marxiste (Tom est adepte du fouriérisme) et déclin de la classe aristo – pour les définir. Horrifié à l’idée qu’on puisse les traiter de yuppies, Chris invente le terme UHB (Urban Haute Bourgeoisie). Les répliques sont vives, les dialogues brillants : c’est assez pour rendre Metropolitan passionnant, film qui sous-tend autant le besoin d’appartenance à cette classe sociale qu’il s’en moque frontalement. Belle dualité qui rend caduc, trente ans auparavant, le moindre épisode de Gossip Girl, qui décrivait le même milieu sans la moindre once de second degré, s’auto-satisfaisant de la mise en scène de fastes scandaleux.
La beauté de Metropolitan réside principalement dans la connaissance très précise qu’ont ces jeunes gens de leur environnement, parfaitement conscients que les rites qu’ils perpétuent sont en train de mourir – ou le sont déjà, peut-être, depuis longtemps. C’est ainsi qu’ils vivent tout cela comme un grand jeu, une grande scène de théâtre sur laquelle ils auraient chacun une fonction déterminée, des rôles à jouer et des lignes à réciter. Et surtout, surtout, il s’agit de vivre le plus vite possible, le plus loin dans la nuit possible – le film est à leur image, bercé par les incessants airs de cha-cha et de fox-trot, musique légère qui masque l’amertume avec toujours comme un temps d’avance. Car Metropolitan, bien qu’assez statique, va vite, s’évapore aussi rapidement que les bulles du champagne bientôt éventé. Ce tempo quasi fitzgeraldien convient bien à l’idée, que tous partagent clairement, qu’il faut dissimuler ses propres doutes et hésitations derrière une façade sociale irréprochable. Car tout aussi vite, ce sera la fin des vacances, le retour dans les universités respectives, où les blessures affectives resteront vivaces si l’amour ne se déclare pas tout de suite. A la fin, sur une plage de la côte Est, les demeures resteront luxueuses ; mais le groupe sera éclaté, et l’instant qu’ils se dépéchaient de vivre et de partager, lui, appartiendra déjà au “il n’y a pas si longtemps”.