Max et Lenny

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Le rap, les quartiers Nord de Marseille, une amitié féminine et un film particulièrement réussi.

À première vue, le scénario de Max et Lenny peut faire peur. Direction les quartiers difficiles de Marseille où règnent la drogue, le conflit avec la police, l’ennui, l’absence d’avenir. Mais l’espoir réside dans la musique, le rap. Le réalisateur Fred Nicolas s’est appuyé sur l’écrivain François Bégaudeau pour écrire l’histoire d’une amitié très solide entre deux filles, deux femmes en devenir. Max d’un côté (Jisca Kalvanda) est en situation irrégulière, le moindre écart peut la conduire directement en Afrique alors qu’elle est, dans l’esprit et la vie, Marseillaise – pas sur les papiers. Lenny (Camelia Pand’or), malgré son nom et son air masculin, doit pour sa part résister à la pression d’une masculinité oppressante dans une cité où ses parents ne sont plus là pour l’empêcher de lâcher les cours, de ne pas suivre le mauvais chemin de son frère. Sa résistance à elle, c’est le rap, sa passion, sa libération. 

Le rap pour mieux vivre

Dans ce contexte tendu, les deux jeunes femmes s’accrochent, se rencontrent un soir à la nuit tombée, dans un espace de la cité à part, au calme. Sur une mobylette, elles s’aventurent à la plage, sur les chemins de la liberté, au gré de leurs envies. Ce premier long métrage est d’apparence triste et pourtant, par une réalisation soignée, originale, une écriture très travaillée, s’inspirant d’une rappeuse existant réellement, Keny Arkana, Fred Nicolas livre un récit comme il pourrait sortir un roman à succès : efficace, drôle, intéressant. Les deux actrices semblent naturelles, elles qui en sont à leurs débuts. Marseille n’est que le décor d’une envie de changer, de bousculer la vie pour n’en garder que le meilleur, le plaisir, la joie, l’espoir de réussite. 

 


© Shellac

Jeune demoiselle recherche une vie mortelle

Ce n’est pas la première fois qu’un film parle de rap à Marseille. Mais une des forces de Max et Lenny est que ce soit un réalisateur masculin qui adopte un point de vue très féminin pour dénoncer une situation de crise, de malaise, de repli sur sa féminité, chez des jeunes filles qui tendent à être des femmes. Max doit assumer le quotidien et le bien-être de ses frères et sœurs, de sa grand-mère. Quand elle ne va pas à l’école, elle doit travailler, faire manger, doucher, habiller ses proches, oubliant son propre bonheur et ses petites joies. Quant à Lenny, c’est plutôt la solitude qui la gagne, dans sa chambre d’adolescente, avec son minuscule carnet lui permettant de coucher sur le papier ses malheurs, quand son frère lui laisse une minute à elle, sans qu’elle aille sur le balcon surveiller que les flics ne viennent pas. Lenny, soutenue par Max, se sent pousser des ailes, elle devient une femme dans le regard de son amie. 

Une maîtrise du sujet

Le réalisateur, Fred Nicolas, donnne l’impression de totalement maîtriser son sujet, la cité, la féminité, l’amitié, le rap. Inspiré par ses filles, qui lui ont fait découvrir la rappeuse Keny Arkana, il donne un peu de réalité à sa fiction. Bien plus touchant que Samba (Éric Toledano et Olivier Nakache, 2013) sur un sans-papier, bien moins fait de paillettes pour Lenny en rappeuse que dans Qu’Allah bénisse la France (2014) d’Adb Al Malik, moins trash et violent que Le Petit voleur (Erick Zonca, 1999) avec Nicolas Duvauchelle, Max et Lenny sent le réel, le romance légèrement pour aborder des sujets graves, d’actualité aussi, tout en finesse et avec talent. L’un des "petits" films à voir absolument, en cette rentrée de cinéma. 

Titre original : Max et Lenny

Réalisateur :

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Durée : 95 mn


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