La discussion animée par Pascal Mérigeau débute sur le Harry Brown à la sortie imminente et qui permet à Caine de revenir sur sa propre enfance. Il a en effet grandi dans le même quartier où fut tourné Harry Brown et souligne tous les parallèles volontaires établis entre lui et son personnage mais aussi avec les jeunes voyous qu’il affronte. En effet malgré l’image distinguée qu’il dégage dans certains de ses rôles, Michael Caine est un vrai « lads », mauvais garçon qui aurait pu mal tourner face aux tentations diverses. Il souligne d’ailleurs que c’est l’absence de réelles opportunités de s’en sortir et l’explosion de la cellule familiale qui poussent les jeunes sur le mauvais chemin, alors qu’à son époque des parents présents et un avenir aux possibilités multiples offraient plus de chances.
La conversation se fit donc plutôt chronologique pour dépeindre la difficile ascension de Caine dans le cinéma anglais des années 60. Une époque où la célébrité pouvait vous tomber dessus du jour au lendemain mais pas forcément pour lui comme il l’exprime avec humour, puisque ses camarades de promotion, Sean Connery et Peter O’Toole, devinrent superstars tandis qu’il végétait encore. La lutte des classes au centre du Limier, Caine l’a vécue dans la réalité, son premier rôle marquant dans Zoulou ne lui étant dû selon lui que parce que le réalisateur Cy Enfield était américain. Un metteur en scène anglais n’aurait eu cure de sa réelle prestance en uniforme, puisque le rôle d’un officier anglais aristocrate ne pouvait pas être incarné par un acteur de modeste condition.
La condition d’acteur encore associée à l’homosexualité par le commun des mortels à cette époque est l’occasion de quelques anecdotes amusantes. L’espion à lunettes Harry Palmer dénué du machisme de Bond fut ainsi qualifié de gay lors de la sortie aux USA, notamment à cause de sa scène d’ouverture pas très glamour où il prépare son petit-déjeuner en peignoir. Caine argua que ce petit-déjeuner, il le préparait tout de même pour la femme avec laquelle il avait passé la nuit ! Une confusion qui sera résolue avec le rôle de séducteur odieux de Alfie.
Si on regrette que le débat en reste aux grands standards (alors que la filmographie de Caine regorge de pépites moins célébrées comme La Vallée perdue, Enfants de salauds, Trop tard pour les héros ou le téléfilm des années 80 sur Jack l’éventreur), ce fut néanmoins l’occasion de quelques belles confessions. Caine explique ainsi le difficile cap à franchir à un certain âge entre le statut de leading actor (soit la superstar modelant le rôle à sa personnalité) à role actor ou à l’inverse on se fond dans le personnage. Frustrant pour l’amour propre, ce basculement s’avère finalement bien plus enrichissant et c’est d’ailleurs à partir de là que les récompenses arriveront (malgré une nomination déjà pour Alfie) avec l’Oscar du meilleur second rôle pour Hannah et ses sœurs de Woody Allen en 1985 et pour L’OEuvre de Dieu, la part du Diable en 1999.
Très fringant et vif pour ses 77 ans, Michael Caine a illuminé la soirée par son charme et son humour ravageur entre autres lorsqu’il évoqua le nanar L’Inévitable Catastrophe (film catastrophe seventies sur fond d’abeilles tueuses…), sacrée tâche dans sa longue filmographie. Entre évocation fière des grands disparus qu’il a côtoyés (belles anecdotes sur Laurence Olivier et Otto Preminger) et intérêt constant pour les jeunes talents comme Christopher Nolan, ce n’est pas un homme du passé qui s’exprimait. Merci Monsieur Caine et à bientôt sur The Dark Knight Rises, troisième volet de la saga Batman.