Marguerite

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Un film qui peine à trouver sa voie

Avant de s’incarner prochainement dans le corps de Meryl Streep, la voix de Florence Foster Jenkins a d’abord longtemps résonné dans la tête du réalisateur Xavier Giannoli, persuadé que celle-ci recelait un secret, jusqu’à ce qu’il se résolve à lui consacrer un film. Aussi passionnée d’opéra qu’inconsciente de la fausseté atroce de ses notes, cette richissime américaine était tout de même parvenue à chanter au Carnegie Hall le 25 octobre 1944 sans que jamais personne ne lui ait un jour dit la vérité sur ses prétendues compétences de prima donna. Peu intéressé par le genre du biopic, Xavier Giannoli choisit de s’inspirer de l’histoire originelle en la déplaçant dans la France des années 20.

L’habit ne fait pas le moine pas plus que le casque à cornes la cantatrice, sauf pour Marguerite Dumont (Catherine Frot), femme fortunée habituée à chanter devant d’autres personnes fortunées habituées à avoir les tympans martyrisés au profit de galas de charité et de récoltes de fonds. Tant que la mascarade reste en famille, Monsieur Dumont (André Marcon) peut la souffrir mais tout change lorsque sa femme désire prendre des cours de chant en vue d’enfin sentir de véritables planches sous ses pieds, et entendre les applaudissements d’un vrai public.
 

Marguerite est un mélange du Philippe d’A l’origine (2008) et du Martin de Superstar (2012), une illusion, une construction, validée par le regard de l’autre, plus ou moins complice de la supercherie. Elle s’est inventée un monde dans lequel elle ferait comme si elle était une vraie chanteuse lyrique ; mais au lieu du parterre de poupées et de peluches forcément muettes d’admiration, c’est devant une assemblée de bons bourgeois au mutisme hypocrite qu’elle se produit. Tout le monde participe à ce jeu de rôles, avec costumes de scène et chambre de diva inclus, dont elle est la vedette auto proclamée à la fois raillée et célébrée. Qu’importe si les fleurs offertes sont commandées par son majordome, tant pis si les sourires et les compliments sont forcés, du moment que ne se referment pas sur elles les rideaux rouges de son petit théâtre intime. Cette première partie du film est amusante, la folie de cette femme, qui massacre allègrement l’air de la Reine de la Nuit, une plume de paon fichée sur la tête, est de par son ingénuité tout à fait sympathique. Peut-être même est-elle une Dada’s girl, sorte de renard antibourgeois et antinationaliste dans un poulailler patriote, comme le suggère une scène dans un cabaret anarchiste où Marguerite saccage innocemment la Marseillaise (scène par ailleurs la plus ratée du long-métrage). Mais les années 20 voient, déjà, l’agonie de Dada, le surréalisme à son chevet prêt à prendre la relève, et cette hypothèse tourne court.

Essayant alors tant bien que mal de suivre le film qui commence à errer, voire à divaguer, une autre piste se présente à nous : Marguerite ne serait en réalité pas si innocente que ça, se jouerait sciemment de tous ces tartufes pour réaliser son plus cher caprice. Un très vilain petit canard dans un costume d’oie blanche. Mais non, Marguerite n’opte pas non plus pour cela. Mais alors quoi ? Délire de femme trompée qui ferait tout et n’importe quoi pour que son mari la regarde, victoire de l’innocence sur le cynisme et de la générosité sur la méchanceté, cri de détresse d’une personne contrainte de rêver sa vie au lieu de vivre son rêve, dans un mélodrame voulu à la fois drôle et cruel (et côté cruauté, le destin de Susan Kane, chanteuse d’opéra médiocre jetée en pâture à un public moqueur par son mari, était plus édifiant) par Xavier Giannoli qui multiplie les pistes à l’envie jusqu’à semer notre intérêt. Et perdre les seconds rôles, moteurs de l’action dans les débuts, dont on se demande pourtant ce qu’ils font encore là lorsqu’ils reviennent de temps à autre à l’écran.

Le film a les mêmes tremblements que la voix d’un adolescent en plein puberté ; ça se tient, tout se déroule sans accroche majeure puis soudain c’est le couac, la sortie de route et comme la mue, cela dure un peu trop longtemps.

Titre original : Marguerite

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Durée : 127 mn


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