
Cukor’s touch
Au fil des pages, on découvre les facettes d’un Cukor discret et mondain à la fois, hôte régulier de stars hollywoodiennes triées sur le volet, et un cinéaste radicalement tourné vers ses acteurs, au point de ne filmer qu’eux. Cukor se plaisait à dire qu’à la différence de Hitchcock, il était incapable de faire des plans sur une serrure pour exprimer quelque chose, pour lui, seul le visage en pouvait être le vecteur. La sobriété de sa mise en scène (peu de mouvements de caméra), il la justifiait par la primauté du texte sur les effets visuels, en bon homme de théâtre qu’il fut au début de sa carrière. On découvre également un auteur qui n’avait pas sa langue dans sa poche. Dans un entretien daté de 1964 (sans doute le passage le plus intéressant de l’ouvrage), Cukor se montre très critique envers Hollywood (encore plus lorsque ses films sont mutilés par les producteurs, comme ce fut le cas pour Une étoile est née), tout en étant conscient de ne pouvoir se passer des grands studios. Critique également envers ses propres œuvres et ses confrères (la Nouvelle Vague en prend pour son grade !), mais aussi élogieux envers ses comédiens et ses contemporains cinéastes comme Leo McCarey. Cukor n’hésite pas non plus à revenir sur les échecs cuisants de sa carrière, comme lorsqu’il fut retiré du générique de Une heure près de toi (1932) à la demande de Lubitsch, ou encore évincé de Autant en emporte le vent (1939) au profit de Victor Fleming après un mois de travail.

Un problème au montage
Affichant un nombre impressionnant d’articles (et c’est bien là le problème), le livre peine à trouver une harmonie entre les auteurs et les sujets, oscillant entre textes fouillés et intéressants, trop pointus, redondances et extrapolations. Il faut attendre les dernières pages du livre pour découvrir un texte biographique de Yola Le Caïnec (qui aurait gagné à introduire le livre), factuel et chronologique, sur la vie de Cukor, le fameux on et off Hollywood. Malgré ce problème de montage pourrait-on dire (l’ordre des textes ne permet pas d’avoir une véritable vue d’ensemble de l’œuvre du réalisateur), l’ouvrage à la couverture rose fluo mérite qu’on le lise jusqu’au bout, ne serait-ce que pour le très beau texte de Pablo García Canga, qui redore poétiquement et tragiquement le blason des losers dans la filmographie du cinéaste, et Dieu sait si les losers sont beaux chez Cukor, surtout de profil.
George Cukor, On/Off Hollywood de Fernando Ganzo (dir.), Éditions Capricci, 224 pages – Disponible depuis le 22 août 2013.