Little Miss Sunshine

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Le cinéma américain, dans sa large étendue artistique, se porte mal. C´est un fait dont personne ne dira le contraire. Il existe encore ici et là quelques francs tireurs qui essaient tant bien que mal d´apprivoiser les requins financiers des grands studios US et pour la plupart réussissent à pratiquer un cinéma qui leur est […]

Le cinéma américain, dans sa large étendue artistique, se porte mal. C´est un fait dont personne ne dira le contraire. Il existe encore ici et là quelques francs tireurs qui essaient tant bien que mal d´apprivoiser les requins financiers des grands studios US et pour la plupart réussissent à pratiquer un cinéma qui leur est propre : libre, inventif et totalement représentatif d´une société dans laquelle ils vivent. Lynch, Scorsese, P.T. Anderson, Tarantino, Demme, Anderson, quelques noms anciens ou nouveaux qui sont toujours les fers de lance d´une production qui ne cesse de se renouveler. Dans la veine indépendantiste, se terrent continuellement des rescapés d´une cinéphilie dévorante, qui ont constamment le sens du rythme. Quelques mois auparavant, avec Transamerica, le cinéaste Duncan Tucker filmait les pérégrinations d´un transsexuel sur les routes US. Déconstruction du noyau familial, travers d´un microcosme passé à la moulinette, délicatesse du jeu d´acteur et maîtrise du rythme furent les mots d´ordre qui donnaient au film une fraîcheur tonifiante, qualité essentielle d´une bonne comédie. La voie est bonne pour parler de Little Miss Sunshine, bol d´air frais qui nous vient du nouveau continent.

Le film est réalisé en binôme par Jonathan Dayton & Valerie Faris, couple de clipeurs, qui ont su appliquer la cadence de leurs anciens travaux pour forger une oeuvre qui ne perd pas son temps. Rapidité d´exécution, personnages dynamiques car complètement farfelus, saynètes agencées comme le jeu des chaises musicales : celui rate sa place est viré illico presto. Dans cet ouragan se croisent quelques personnages qui sont désillusionnés par la vie. Richard, le père, qui désespère de ne pouvoir vendre son bouquin << Parcours vers le succès en 9 étapes >> ; Sheryl, fumeuse invétérée et mère débordée ; le grand-père, cocaïnomane et coureur de jupons qui ne peut construire une phrase sans le mot << fuck >> ; Frank, spécialiste de l´oeuvre de Marcel Proust, largué par son amant et suicidaire ; Dwayne, adolescent épris de Nietzsche, passionné par les pilotes de ligne et muet volontaire (il n´a pas dit un seul mot depuis cinq mois). Au beau milieu de cette famille au bord de la crise de nerf, se balade la petite Olive, sept ans, rêveuse inconditionnelle et prête à tout pour remporter le concours de Little Miss Sunshine (Miss USA pour les gamines).

Canevas peu extraordinaire. Une habitude dans le ciné US de voir des règlements de compte familiaux. Il faut donc forcer la main, observer minutieusement les contours de cette comédie pour en dénicher la force première. Dans Little Miss Sunshine, le rythme ainsi que les enchaînements des gags sont traités de manière à plonger le spectateur dans une frénésie constante. Une forme d´adrénaline qui repousserait les lois de l´attraction. Un gag entraîne un autre gag et ainsi de suite jusqu´à la scène finale, conclusion d´une sorte de théorie des dominos. Telle est la force de cette comédie, ne jamais s´arrêter en si bon chemin, être inventif quant il le faut, ne jamais plomber l´atmosphère d´explications psychologiques. Règle simple mais ô combien délaissée par nos cinéastes contemporains.

Exemple de cette alchimie parfaite. Quelques minutes avant l´explosion finale, Dwayne apprend qu´il ne pourra jamais passer les examens pour devenir pilote de ligne. Il est daltonien. Fou de douleur, succession d´un raz le bol quotidien, il se cogne la tête contre la vitre du minibus, fait signe de vouloir s´arrêter et descend de l´engin pour aller s´effondrer quelques mètres plus loin. Là, il hurle le seul mot représentatif de cette colère : << fuck >>. La scène est drôle car brutale. Pas besoin d´explications, de démonstrations, le sujet est subtilement filmé pour que l´on puisse saisir toute la portée de cette détonation. Nos chers auteurs français devraient voir ce bijou US ne serait-ce que pour renouer avec la drôlerie et la critique sociale qu´une comédie devrait posséder.

Titre original : Little Miss Sunshine

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Durée : 100 mn


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