L’incroyable Hulk (The incredible Hulk)

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Quelques mois après le triomphe d´Iron Man, la Marvel remet le couvert, et les grands moyens, pour réhabiliter le géant vert. Verdict ? Beaucoup de stéroïdes, une bonne pointe de vitesse, mais pas de révolution en vue…

Contrairement à Iron Man et son interprète instantanément iconisé, L’incroyable Hulk ne part pas avec tous les feux au vert : quoique enclin à l’amnésie partielle, le public n’a certainement pas oublié la première version cinématographique signée Ang Lee, où Eric Bana jouait le verdâtre colosse, Nick Nolte un fumeux méchant papa, et Jennifer Connelly la belle (mais vraiment belle), amoureuse. Plus portée sur l’introspection oedipienne et l’expérimentation graphique (à base de plans figés figurant des cases de BD), Hulk premier du nom avait moyennement convaincu sa cible, qui attendait de la casse en masse plutôt qu’une petite prise de tête.

Au moment de réactiver pour de bon la franchise sur grand écran, la Marvel détentrice des droits du personnage, a décidé d’oublier purement et simplement cette première tentative, et de remettre les choses à plat avec une toute nouvelle équipe. Exit l’asiatique Ang Lee, enter le french protégé de Luc Besson, Louis Leterrier, dont le CV était déjà une note d’intention en elle-même. Le transporteur, Danny the Dog, Le transporteur 2… Au cahier des charges de la cascade virevoltante et des explosions en rafale, le metteur en scène a déjà deux trains d’avance. Autoproclamé fan du comic-book, Leterrier a donc eu du pain sur la planche pour gérer le retour de Bruce Banner, qui prend cette fois le visage de l’acteur et co-producteur Edward Norton.

On ne répétera jamais à quel point Norton peut être un bon acteur, aussi physique (voir ou revoir American History X), qu’introspectif (le surprenant Voile des illusions). Et s’il peut s’égarer dans un total cabotinage à la Giovanni Ribisi, le comédien imprime chaque rôle de son jeu faussement nonchalant, maniant les ruptures de ton et les nuances comme peu de gens de sa génération. Tout comme pour Robert Downey Jr., c’est donc un bonheur de le voir endosser la panoplie d’un super-héros, fût-il torturé et numérique.

L’effet miroir

Malgré sa nature singulière (une suite qui n’en est pas une), L’incroyable Hulk repart malgré tout sur des bases narratives qui paraîtront familières à ceux qui ont vu le précédent opus. Expédiée dès un hideux générique, l’histoire de Hulk version Lee est rejouée à l’identique par les acteur de la version Leterrier, créant subrepticement un étrange effet de miroir, qui s’estompera dès les premières images, montrant Banner caché dans une favela brésilienne. Aérienne (peut-être trop), dynamique, privilégiant les successions de plans d’ensemble et de gros plans, la mise en scène de Leterrier se révèle dès les premiers instants supérieure à la moyenne. Si l’on se doute de la direction que va prendre le sujet (Banner tente de contrôler ses pulsions destructrices tout en échappant à l’armée, mais tout va forcément déraper), on est donc cueilli par le style visuel d’un faiseur qui semble faire corps avec son histoire de traque hi-tech.

Passées ces premières séquences, et une rencontre déjà mémorable avec le méchant Tim Roth (loin d’être étiqueté au départ comme un acteur de blockbusters), le scénario perd malheureusement très vite de son efficacité et de sa hargne douloureuse. Inconsciemment, Hulk 2.0 suit tout simplement les mêmes traces que son prédécesseur, plaçant Betty Ross et son général de père une fois de plus au centre du dilemme de Banner, qui veut retrouver l’une et échapper à l’autre. Ce sont paradoxalement les scènes les plus impressionnantes qui sont les plus anodines dans Hulk : indestructible, ou presque, le géant vert ratatine des tanks, des jeeps, des missiles, mais tout cela, Ang Lee l’a déjà montré voilà cinq ans, et avec plus de profondeur dans le traitement de son personnage de synthèse.

 

Orgie destructrice

Là où cet épisode bis marquera sans doute des points dans le cœur des fans (pour lequel il semble avoir été amoureusement conçu), c’est dans la confrontation attendue entre le super-destructeur et sa némésis, la bien-nommée Abomination (numérique ?). Un combat de titans qui vire à l’orgie virtuelle, malheureusement tournée dans de pauvres décors canadiens tentant de reconstituer une grande avenue new-yorkaise la nuit. Vingt minutes finales entièrement dédiées à la destruction et aux cris de rage, d’où disparaissent fatalement les acteurs vedettes qui faisaient vivre avec tant de talent les premières scènes sud-américaines.

C’est moins un paradoxe qu’une fatalité : basé sur une team d’acteurs vendeurs et crédibles (dans un registre ingrat car monocorde, William Hurt fait lui aussi des étincelles), L’incroyable Hulk propose pourtant un film incarné tout entier dans un personnage anonyme, car totalement éloigné de son modèle de chair et d’os. Dans une séquence de transformation qui reprend le principe de plan-séquence vériste vu dans Hollow Man, Banner voit son corps se disloquer et prendre sa forme « hulkienne ». Bien qu’irréprochable techniquement, la scène échoue à faire se lier les deux personnalités du docteur Bruce. Le Hulk de Leterrier est visuellement différent de celui de Lee. Mais ils pourraient tout aussi bien changer les « rôles » que la différence serait nulle. Cette absence d’implication émotionnelle qu’on ne retrouvait pas dans Iron Man (car comme le proclame l’affiche, il y a un homme sous l’armure), plombe véritablement le film, tout comme son scénario balisé et paresseux, ainsi que sa production-value limitée (les différents décors sont plus que banals). A vous de voir en fait si la destruction et les combats de catch vous attirent plus que la tragédie d’un individu que son don rend solitaire…

Titre original : The Incredible Hulk

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Durée : 112 mn


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