Voilà un film qui ne se contente pas d’illustrer le travail de deuil pour les nuls, de la sidération à l’acceptation en 1h30 montre en main. Le deuil ne s’impose pas à l’écran dans ce qu’il a de plus évident ou de plus spectaculaire, crise de larmes ou éclats de douleur, mais bien dans ce qu’il a de plus profond, et qui ne s’exprime que par touches ou par indices plus subtils. C’est un film qui a parfois des sanglots dans la voix mais qui ne s’épanche pas. Léo dort mal et mange un peu trop, Elise lutte contre ses émotions mais tous les deux vivent la situation de la même manière, et semble-t-il d’un commun accord tacite, en silence. Alors ils parlent de tout et de rien, comme avant, en tout cas quand ils sont chez eux, dans leur appartement parisien.
Si chez Léo la douleur s’est transformée en mélancolie, tout en intériorité, elle se traduit chez Elise par de la colère. Elle n’est pas aimable, bien qu’aimante avec son fils, ne cherche pas à l’être et s’en justifie par le chagrin qu’elle éprouve. Si elle était une couleur, elle serait du bleu, couleur masculine souvent associée à l’ombre ; teinte dominante du Sens de l’humour. Elles partagent toutes les deux cette froideur apparente et ce côté insondable. Tout paraît paisible en surface, mais, en profondeur, ce sont des baïnes qui menacent à tout moment de perturber ce calme illusoire. Et d’emporter les gens qui oseraient les braver. Comme Paul. Paul qui essaie de se faire une place auprès de couple mère-fils, très complice. Paul est pourtant la promesse d’un repère pour Léo, pour qui la perte du père est aussi une perte d’identité. En brisant la routine et en ne traitant jamais Elise et Léo comme des personnes endeuillées à ménager absolument, il leur offre à tous trois la possibilité d’une nouvelle vie.
Le titre du film peut paraître en contradiction avec son sujet, ce qui n’est pas le cas. Marilyne Canto, suivant l’expression de Jean Renoir, avait envie de réaliser un « drame gai ». L’absence a beau hanter chaque plan du film, sous la forme d’une montre ou d’une clarinette, elle n’empêche pas la vie de reprendre ses droits. Léo joue au foot avec ses copains et prend ses premiers râteaux avec les filles comme tout pré ado tandis qu’Elise ne s’interdit pas d’avoir une vie sexuelle. Tout continue malgré tout, hélas ou heureusement selon les moments. Certains trouveront peut-être le film trop ténu mais Le Sens de l’humour réussit à être aussi touchant que Léo en étant parfois aussi peu aimable qu’Elise.