Le Secret de Chanda

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Oliver Schmitz brise le tabou du Sida en Afrique du Sud. Très didactique – et donc sans grande surprise – son film échappe de justesse au mélo tire-larmes.

Tiré d’un best-seller pour la jeunesse signé Allan Stratton, Le Secret de Chanda vise clairement un public scolaire en déployant tout son récit autour d’une fillette de 12 ans, confrontée à de terribles drames. Dès l’ouverture, elle se comporte en parfaite héroïne, enfant grandie trop vite, assumant seule les problèmes des adultes. Sa petite sœur vient de mourir : une mauvaise grippe, soupire la voisine. Mais Chanda n’est pas dupe. Elle devine que sa mère souffre du sida, et que ce virus l’emportera si elle refuse d’accepter son état. Commence alors une course perdue d’avance, médecins véreux et villageois médisants scellant le destin de la victime par leur indifférence teintée de mépris. Dans un pays où l’on considère encore le VIH comme un « châtiment divin », les malades se cachent pour mourir, préférant sauvegarder les apparences.

Armé des meilleures intentions, ce film-dossier fera le bonheur des éducateurs, qui prolongeront à loisir le débat après la projection. En traitant ce sujet difficile, Oliver Schmitz voulait sans doute éveiller les consciences, et pointer l’hypocrisie d’une société figée dans ses principes conservateurs. Cette ambition pédagogique donne néanmoins au scénario une facture très convenue, dessinant les personnages à gros traits pour symboliser diverses réactions : courage ou lâcheté sont ainsi distribués sans nuance, de façon schématique.

Le film suit un programme balisé, aux rebondissements attendus. Chaque scène repose sur des enjeux trop clairs, fondés sur des oppositions binaires : Chanda et son amie Esther, résistantes et marginales, affrontent évidemment une foule hostile. Dans ce petit théâtre, aucun protagoniste n’existe hors de son rôle : la junkie, le maître d’école ou encore l’infirmière occupent une place bien définie, dont ils ne s’écartent jamais. Une séquence de fête nocturne, assez réussie, laisse pourtant entrevoir un autre film possible : le temps d’une danse, Chanda oublie quelque peu son combat et l’image respire avec elle, comme détachée de la pesanteur du script. Cet état de grâce ne dure pas, et l’intrigue reprend très vite ses droits, imposant sa mécanique routinière.
 

Oliver Schmitz n’évite pas les maladresses du « film à message », enfonçant des portes ouvertes pour souligner un propos éminemment louable. Autant de défauts qui lui valent sans doute de concourir pour l’Oscar du Meilleur film étranger, qui se plaît à récompenser le cinéma « tiers-mondiste » à condition qu’il produise des œuvres engagées, correspondant aux attentes du public occidental : l’Afrique du Sud a déjà raflé le prix en 2006 pour Mon nom est Tsotsi de Gavin Hood, qui retraçait le parcours d’un jeune gangster dans les townships.

Malgré cela, Le Secret de Chanda reste de bonne tenue et ne cède (pas trop) à la tentation du pathos et du misérabilisme. Le réalisateur fait preuve d’une certaine sobriété, là où d’autres n’auraient pas lésiné sur le violon. Natif du pays, il décrit une réalité sociale qu’il connaît bien : son premier film, Mapantsula, traitait de la population noire pendant l’Apartheid ; le second, Hijack Stories, se déroulait dans les ghettos de Johannesburg. Tourné en décors naturels, dans le dialecte local (le pedi), Le Secret de Chanda bénéficie de ce regard sensible. La mise en scène, fluide, glisse souplement d’un lieu à l’autre, d’une maison obscure aux rues inondées de soleil. La photographie, chaude et piquée, rattache constamment les personnages à leur cadre, tout en créant un climat assez étouffant. Oliver Schmitz témoigne d’un sens de l’espace indéniable, et d’un réel talent de directeur d’acteurs : tous les comédiens, dont la jeune Khomotso Manyaka, dégagent une belle énergie. Solidement réalisé et interprété, mais desservi par son écriture démonstrative, le film demeure honnête de bout en bout : qualité pas si fréquente dans le genre mélodramatique, et qui mérite donc d’être signalée.
 

Titre original : Life Above All

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Durée : 106 mn


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