Le Labyrinthe de Pan (El Laberinto del Fauno)

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On prend une grande bouffée d’air et on plonge. Dans ce monde où rêve et réalité s’entrelacent, s’opposent et se déchirent. On plonge dans cet univers tout droit sorti d’un tableau de Goya, où la noirceur et l’aspect sombre du monde ressortent jusqu’à obtenir une place prépondérante dans l’esprit des personnages. Tous ? Non. Car […]

On prend une grande bouffée d’air et on plonge. Dans ce monde où rêve et réalité s’entrelacent, s’opposent et se déchirent. On plonge dans cet univers tout droit sorti d’un tableau de Goya, où la noirceur et l’aspect sombre du monde ressortent jusqu’à obtenir une place prépondérante dans l’esprit des personnages. Tous ? Non. Car Ofelia résiste dans cette Espagne de la fin des années 40. Elle évolue dans une forêt perdue au milieu de nulle part, paraissant hors du temps et du réel, où s’affrontent encore franquistes et républicains. Enfermée entre un beau-père (général franquiste) débordant de violence et une mère malade, elle résiste à sa manière, s’immergeant dans une rêverie qui lui laisse entrevoir une lumière absente de la réalité. Cette lumière, c’est l’espoir que tout n’est pas fini, que le fruit n’est pas pourri de l’intérieur, qu’il est encore possible de s’échapper.

Guillermo Del Toro prend garde à ne pas tomber dans les clichés, à éviter les pièges du pathos. Il crée un magnifique et cruel labyrinthe de rêveries, loin du monde, tout en couleur à la mode Disney. Ofelia échappe à cette réalité dure et sombre en trouvant l’entrée d’un labyrinthe qui, à première vue, semble plus noir encore. Ce dernier est gardé par un faune, prénommé Pan, qui est à la recherche, depuis de très nombreuses années, de la princesse du monde d’en bas. La trouvera-t-il en Ofelia ? Toujours est-il que pour elle, c’est l’échappatoire idéale à tous ses maux. Elle se laisse très volontiers aller dans ce monde où les fées virevoltent dans les airs, où un faune parle en énigmes et où un avenir meilleur lui est proposé. Mais la rêverie peut facilement basculer et se transformer en cauchemar où les fées se font dévorer par un monstre sans yeux, où la mandragore ne suffit pas à sauver ceux qu’on aime et où la mort peut frapper à tout moment. Et oui, même l’autre monde ne protège pas de cela.

Pendant ce temps, la réalité continue de tourner. Les franquistes dirigés par Vidal (un magnifique Sergi Lopez d’une cruauté à couper le souffle) ont pour mission d’éliminer cette vermine républicaine qui se cache dans la forêt. Forêt dans laquelle la nuit et la pluie qui se succèdent semblent être les seuls éléments qui osent s’y aventurer. L’inquiétude règne en maître et rien ne peut l’en déloger. L’atmosphère est lourde et pesante.
L’œil de Del Toro court au milieu de tout cela posant un regard à la fois accusateur et terrifié. Terrorisé par la chute de ce monde qui s’enferme dans la violence, l’affrontement, la haine de l’autre.

Symbole du contexte terrible qu’a été celui de l’Espagne durant plusieurs dizaines d’années, cette fable, aux aspects aussi envoûtants que terrifiants, est admirablement bien menée. Guillermo Del Toro ne dérape pas et rien n’est en trop. Promenant sa caméra en observateur de ce champ de bataille, il nous fait pénétrer dans les dédales tortueux de l’esprit humain.
Sans vraiment de vainqueurs ni vaincus, c’est une page du livre qui se referme ; une fin de conte de fées à laquelle nous ne sommes pas habitués. A chacun de nous d’en faire ce qu’il voudra.


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