La Roche-sur-Yon : Jour 3

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« Lionel Ritchie and a one shot coffee ».

Festival de jeune création internationale, se déroulant en France. Ce sont deux films américains qui surnagent dans une programmation (particulièrement la Nouvelles Vagues, inaugurée cette année) nous laissant pour le moment complétement perplexe. Un des deux est le documentaire autour de et avec Nick Cave, 20,000 Days on Earth, présenté hors compétition ; l’autre, Buffalo Juggalos. 

Le moyen métrage de Scott Cummings s’articule autour d’une subculture américaine, les Juggalos, originellement des fans du groupe de hip-hop Insane Clown Posse, caractérisés par un gôut immodoré pour les fringues dark, les peintures de clowns blanches et noires sur le visage, et les démonstrations de violences. Par tableaux, le cinéaste originaire de Buffalo dans l’état de New-York montre des membres d’une tribu, que le FBI à classifier comme gang et considère dangereux, demeurant avant tout pour le réalisateur "des hommes et des femmes". Chaque regard des juggalos filmés "en situation" – pendant un nouveau tatouage, en train de bisouiller une hache ou durant une hallucinante course en moto – fixe et toise le spectateur, semblant le mettre au défi de tout jugement hâtif sur son identité. Avec un vrai sens du drame et de l’humour, le filme essentialise l’identité de ce groupe, saturant la bande-son de rap hardcore et aveuglant certains plans d’une ambiance de giallo. Une plongée dans un territoire identitaire, sans chichis ni manières. 

 


Buffalo Juggalos 

Quant au 20 000ème jour sur terre du musicien et poète Nick Cave, il est pluriforme, élégant dans sa mise en scène fictionelle, intelligent et cultivé. Rien de moins que la personnalité de son sujet australien, qui co-écrit le scénario et les dialogues, joue et fait jouer ses collègues musiciens des Bad Seeds. Le documentaire ne se contente jamais de vouloir raconter le parcours artistique de Cave, mais au contraire lui ouvre la voie de l’auto-fiction. Il peut alors s’inventer les personnages dont il a rêvé enfant, convoquer les fantômes amis dans sa voiture et même  débuter le film par une séance de psychanalyse. Ce moment, touchant, merveilleusement dialogué, où l’homme raconte simplement les motifs matriciels de son oeuvre et de sa personnalité devient le maitre-étalon de tous les thèmes du film. Dès lors ils seront brassés, rediscutés, imagés, parfois moqués. L’archive personnelle, l’écriture de soi, l’attirance et la fascination de Cave pour sa ville de résidence, Brighton, et sa météo : tout fait sens et s’équilibre dans un portrait protéiforme sombre. Les enregistrements de nouveaux morceaux par le groupe et la scène sont égalements de grands moments de transe, que l’on connaisse ou non la musique de Nick Cave. Et le dandy capable de commander son café au piano en chantant comme Lionel Richie apparaît pour la première fois, en plus d’un artiste complet, comme un créateur fictionnel assez habile, désireux autant de tisser son mythe mais de comprendre ses propres démons créatifs. 
 

 
 

20000 days on earth

Articles précédents : 

La Roche-sur-Yon : Jours 1 et 2

 


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