Alpes Françaises, années 20. Une petite bourgade située près du Mont-Blanc, s’apprêtant à basculer dans l’ère du tout-touristique, voit aussi ses dernières meutes de loups disparaître. Comme un symbole, à l’heure de la Seconde Révolution industrielle, de la nature qui perdrait de son éclat. Un moment de l’histoire choisi par Gilles Legrand, cinéaste heureux après le succès de son Malabar Princess, pour y planter le décor de son deuxième long-métrage. Le récit, non pas de l’histoire de la première femme vétérinaire en France, mais du triangle amoureux qui se noue entre l’héroïne, le jeune maire de son village, et un homme des cavernes – si, si, il vit dedans !-, ami des loups, qui sont un peu comme sa seconde famille.
Dans le rôle-titre de la jeune fille, présente quasiment dans tous les plans, Laetitia Casta, un peu âgée pour le rôle (elle est censée avoir à peine 20 ans dans le film), se révèle plutôt convaincante. Elle fait d’office de fil d’Ariane pour Gilles Legrand, qui fait défiler une galerie de personnages allant du plus savoureux (le patriarche aphasique joué par Michel Galabru) au plus inutile (le mécanicien gouailleur qu’interprète un Lorant Deutsch visiblement là pour prendre des vacances au ski). Au moins, le risque de se perdre est limité, mais on subit aussi, notamment pendant la première heure, le côté versatile de ce personnage principal. L’histoire d’Angèle et sa volonté de devenir la première femme vétérinaire n’est qu’un prétexte pour l’amener, après quelques péripéties, au coeur du récit : sa rencontre avec les loups des Alpes et le rugueux Giuseppe. A partir de là, le duel amoureux avec l’ambitieux élu Emile Garcin (Jean-Paul Rouve, qui reprend les tics nerveux de son personnage de Monsieur Batignole) peut s’engager, jusqu’au dramatique climax…
Que Gilles Legrand souhaite réaliser un film populaire dans la plus noble tradition du genre, avec un sujet historique, un casting de stars, et des bons sentiments, soit. La recette a fonctionné, du moins au box-office, pour Les choristes, Joyeux Noël, et également pour son propre Malabar Princess. Et de fait, jamais on ne s’ennuie durant deux heures. Mais pourquoi aussi peu d’énergie dans la mise en scène, pourquoi tant de tiédeur dans la caractérisation des personnages ? C’est bien simple, les premières minutes du film font à la fois penser aux publicités pour une célèbre marque de saucisses et à des chutes du Renard et l’enfant. Plus loin, c’est le traitement incohérent de Giuseppe, tantôt demeuré, tantôt d’une stupéfiante clairvoyance, qui laisse songeur. L’interprétation un peu bancale de Stefano Accorsi n’aide d’ailleurs pas y voir plus clair.
Mais ce qui empêche surtout La jeune fille et les loups d’être un classique en devenir, c’est ce sentiment de suivre un récit, qui sous ses atours de grand film d’aventures (avec des loups), se révèle n’être qu’une banale confrontation entre deux hommes pour conquérir une femme. Au coeur d’une nature sauvage, pour bien marquer l’opposition entre eux, si besoin était. Le genre d’histoire mille fois vues au cinéma, et avec plus de peps. Quant aux loups, hé bien… ils sont beaux.