Kidnappés

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L´enfer c´est les autres, surtout quand ils s´introduisent chez vous avec de mauvaises intentions. Démonstration espagnole plutôt glauque.

Depuis plus de cinquante ans, le cinéma aime à s’inspirer de faits divers pour construire des fictions sensationnalistes, « tirées de faits réels » comme les affiches se plaisent souvent à le rappeler. En définitive, les scénaristes ne s’inspirent que très vaguement de ces rubriques de journaux. Kidnappés est peut-être une fiction, mais sa volonté farouche de rester « réaliste » dans la mise en scène de son drame central, l’associe d’office à ce type de films.

Sans s’essayer à l’exercice de style cafardeux et bricolé de la Dernière maison sur la gauche, Miguel Angel Vivas tente paradoxalement d’associer son ambition de livrer un thriller sociétal à un dispositif filmique baroque et esthétisant. Car Kidnappés, s’il fait autant parler de lui, a cette particularité d’être entièrement filmé en plans-séquences. Douze pour être précis. Douze scènes de dix minutes environ se succèdent, pour raconter le calvaire d’une famille de bourgeois lambda, emménageant en banlieue de Madrid, et qui dès la première nuit dans leur maison, sont attaqués par un trio d’hommes cagoulés ayant la ferme intention de dérober tout leur argent, qu’il soit dans la villa ou sur leur compte en banque.

Horreur sociale


 
La véritable horreur vient ici du fait que l’histoire est banale : il est vaguement entendu que plusieurs des malfaiteurs viennent des Balkans, le cliché est loin d’être souligné, et pour être honnête, il devient vite clair que la caractérisation des personnages n’est pas le souci principal d’Angel Vivas. Tout occupé à gérer un système complexe de longs plans en mouvement, de split-screens et de raccord invisibles (le dernier, qui relie par un procédé inverse à celui utilisé par Michel Gondry sur Le frelon vert, deux séquences en split-screen coupe le souffle), le cinéaste gère tant bien que mal un récit parfois efficace -la tension est bien réelle au fur et à mesure que la situation dégénère-, fait d’incohérences et de raccourcis narratifs navrants, tel le sort qui attend la jeune fille lorsqu’’elle se retrouve seule avec ses kidnappeurs.

Sur une proposition assez proche, Michael Haneke a délivré un Funny Games assez définitif, même s’il n’a jamais eu l’effet escompté par son auteur (interroger le spectateur sur son appétit pour la représentation de la violence). Malgré ses velléités affichées de ne pas faire « un thriller de plus », Vivas n’a guère les moyens, avec ce film virtuose mais creux, d’en reprendre le flambeau. Si Kidnappés contient son lot de scènes estomaquantes (dans tous les sens du terme), et sait choquer les spectateurs en mal de sensations fortes,  par nature, le plan-séquence est intrusif, continu et interdit par sa longueur l’introduction d’un hors-champ salvateur . Son manque de profondeur thématique, de recul sur un sujet par essence viscéral, lui interdit toute autre ambition.

Titre original : Secuestrados

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Durée : 92 mn


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