Kick-Ass

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Mise en abîme, ironie, émotion, Matthew Vaughn fait mouche à tous les coups avec ce fantastique objet pop…

Phénomène récurrent dans le monde des comics, la mise en abîme de la figure du super héros a gagné le cinéma après dix ans de domination sans partage au box-office. Le mouvement avait été lancé l’an dernier avec l’excellent (et décrié par les geeks puristes) Watchmen de Zack Snyder. Ce dernier n’avait qu’un seul vrai défaut, la fidélité absolue au matériau d’origine qui plaçait l’intrigue dans un univers parallèle, plongé dans la Guerre froide et donc bien éloigné de nos préoccupations actuelles. Un défaut et une qualité en fait, puisqu’il conférait à l’œuvre ce fascinant aspect métaphysique et réflexif, sortant des sentiers battus du blockbuster.

Matthew Vaughn prend totalement le chemin inverse avec Kick-Ass, objet pop et référentiel bien de son époque. Si on ne sait pas encore comment le film vieillira, ici et maintenant c’est clairement une des sorties les plus réjouissantes de cette année ! Kick-Ass est tout d’abord l’adaptation d’un comics de Mark Millar. Scénariste remarqué pour son travail au sein de Marvel, il a bouleversé pour le pire et le meilleur les comics de ces dernières années. On retrouve dans ses titres les plus personnels un goût prononcé pour la violence, les personnages extrêmes et la provocation gratuite et juvénile. Tous ces éléments s’agençaient formidablement dans Wanted, reconstruction trash et bourrée d’humour noir d’un univers super héroïque parallèle (où les tueurs à gage ont supplanté les super héros). Le film qui en fut tiré en 2008 ne pouvait suivre les mêmes traces et donna au final un ersatz amusant et inoffensif de Matrix et Fight Club, bien éloigné du nihilisme de la version papier.


Pas de risque de ce côté-là avec Matthew Vaughn qui dut batailler et produire lui-même dans un premier temps ce Kick-Ass face au refus des studios. Par conséquent, le film garde la patine divertissante et fun du blockbuster, tout en se permettant des écarts de violence et de ton rarement vus dans un spectacle grand public. Le début offre un joyeux détournement des situations et dialogues les plus fameux des films de super héros. Le générique d’ouverture parodie ainsi quelques notes du célèbre thème de Superman sur fond de ciel nuageux. Ce sera ensuite le Spider-Man de Sam Raimi qui sera repris et moqué à la fois. Face au cliché du traumatisme dramatique motivant la vocation de héros, nous sommes ici face à un simple adolescent, malingre et complexé, cherchant à tromper son ennui en se voyant plus beau qu’il n’est par ce moyen d’évasion. Un parti pris bien plus empathique avec le lecteur de comics donc, qui s’y identifiera bien plus qu’aux sentiments chevaleresques déployés habituellement. Vaughn retraduit sans détour les élans les plus extrêmes de Millar, tant dans le côté ludique que sombre. Ainsi la première expédition justicière du héros après une amorce de comédie se conclut avec une violence qui nous ramène brutalement à la réalité.

C’est paradoxalement avec les personnages les plus délirants que le film glisse progressivement vers une tonalité plus grave. Le duo de héros père et fille Big Daddy/Hit Girl offre ainsi une vraie tendresse sous l’aspect décalé. Nicolas Cage, singeant le jeu d’Adam West (interprète de Batman dans la série parodique des années 60) est aussi hilarant qu’émouvant en père attentif, bien qu’il ait fait de sa toute jeune fille le bras armé de sa vengeance. Cette dernière est jouée par la charismatique Chloé Moretz (déjà vue en ado mature étonnante dans 500 jours ensemble) qui crée instantanément un personnage culte avec sa Hit Girl. La jubilation est de mise face à cette gamine qui trucide à tour de bras les truands les plus coriaces sur fond de Joan Jett, en balançant des répliques "badass" tout en gardant son espieglerie enfantine. A la manière d’un Tarantino, l’équilibre est ténu mais cette relation filiale porte réellement l’aspect dramatique (et héroïque) du film.  Elle emmène aussi progressivement l’intrigue plus légère concernant Dave/Kick-Ass (Aaron Johnson tout en fragilité est très bon également) sur ce même terrain plus sérieux.

Les émotions se bousculent ainsi lors de la dernière partie où culmine le combat des héros avec le mafieux redoutable joué par Mark Strong. Les aspects finalement faussement parodiques et outrés qui ont précédé nous auront grandement attachés aux personnages. Matthew Vaughn qui avait si bien su mêler distanciation et émotion à fleur de peau dans son formidable Stardust parvient à un meilleur résultat encore. Ses intentions se dévoilent lors de la scène clé du film, un formidable morceau de bravoure héroïque réarrangé pour la génération myspace. Il y mélange filmage classique, vision de jeu vidéo FPS et images youtube dans un crescendo dramatique saisissant, porté par un montage parfait. D’amusante, Hit Girl devient soudainement poignante de courage et Dave dépasse les préoccupations superficielles adolescentes pour accéder à la figure de héros.

Matthew Vaughn réalise là un film bien de son temps (les références à la culture populaire du moment pleuvent), profondément ancré comics (l’ensemble est particulièrement flashy, décors comme costumes) mais dont la force narrative et émotionnelle peut rassembler autant les geeks que les non initiés. Périssable peut-être, le temps nous le dira mais en 2010, Kick-Ass est presque un grand film.

Titre original : Kick-Ass

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Durée : 117 mn


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