Juliette Binoche : ligne directe

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Juliette Binoche est à l’affiche de quatre films sortis au premier trimestre 2008. Paradoxalement, l’actrice semble pourtant encore si rare…

Bien que prolifique, Juliette Binoche n’est pourtant pas aujourd’hui le prototype le plus évident de la « star » féminine du cinéma français. Trop triviale, sans doute, toujours abordable, jamais l’actrice n’a été source d’une quelconque iconisation, d’une idéalisation glamour de son image. Contemporaine de Sophie Marceau, Emmanuelle Béart, Sandrine Bonnaire ou Béatrice Dalle (les révélations féminines majeures des années 80), sa carrière trouva au fil du temps un épanouissement n’ayant d’égal que sa permanente simplicité, la constance d’une nudité de jeu et d’incarnation la singularisant chaque jour un peu plus.

Combien de films avec elle, rien qu’en ce début d’année ? Quatre en terre française (le Assayas, le Klapisch, le Gitaï… le Hou Hsiao Hsien)… Sur ces quatre, un signé par un cinéaste israélien (Désengagement)… un autre par un maître taïwanais (Le voyage du ballon rouge). Un déplacement (son personnage d’Ana confronté à ses racines, son histoire, en Israël). Blonde ici, brune là. Mère célibataire quelque part, célibataire sans enfant ailleurs. Se découvrant une fille, retrouvant son frère. En trois mois, toutes les potentialités d’emploi ou presque, toutes les configurations. Amusement de la voir assurer la promotion d’un film « grand public » une semaine, pour la retrouver quelques jours plus tard expliquer le sujet d’un autre… plus « auteuriste ». « On peut également vous retrouver dans le film de Cédric Klapisch, Paris, c’est bien cela ? »… « Oui, oui ». Elsa Zylberstein se retrouva dans la même situation, mais n’a vu pour l’heure se chevaucher que deux films. Plaisir de l’emploi massif, trouble de l’interaction des sorties : retour de l’affaire Cornillac ? Il semblerait bien, et cela est bien sûr très réjouissant.

Juliette Binoche est donc partout, de tous les combats, ne dépose jamais bagages. Pourtant elle semble encore si rare, tellement peu médiatisée, hors de portée de tout objectif autre que professionnel. Est-ce la presse people qui l’ignore ou elle qui sait se faire oublier ? Il paraîtrait qu’elle aurait eu une histoire avec un jeune acteur assez connu, qu’ils auraient même eu un enfant ensemble. Sans doute la rumeur circula-t-elle, mais beaucoup ne l’on pas entendue, n’y ont jamais eu accès. A moins que de la vie d’une actrice française, les gens se moquent au final plus que des vacances des stars de la télé-réalité… Plausible, pourtant, tout le monde a parlé l’an passé de l’histoire d’amour entre Sophie et Christophe, née sur le plateau du tournage du film de Sophie. Et Béatrice, c’est vrai qu’elle a été avec Joey, le rappeur aux dents dorées, avant d’épouser le mec qu’elle a rencontré en prison… Alors pourquoi personne ne parle de Juliette quand elle ne tourne pas de film ?

Est-ce à dire que cette actrice ne serait pas populaire ? Que sa filmographie, pourtant très enviable, ne serait pas attractive au-delà des échafaudages de la profession ? Les Français aiment-ils Juliette Binoche ? A ce sondage, nulle réponse, sinon l’intuition, la conviction qu’à défaut de représenter, après tout de même 25 ans de carrière, le symbole de l’Actrice préférée de son pays, cette dernière préserve depuis toujours et de plus en plus une aura, un capital sympathie forçant assez immédiatement le respect. On se réjouit de la voir récompensée d’un Oscar du second rôle féminin pour le film Le patient anglais, du cinéaste Anthony Minghella, récemment disparu. La voir en couverture de la nouvelle version de Play Boy surprend, éveille la curiosité, mais n’a au final aucune résonance sulfureuse. Quoi qu’il arrive à sa carrière, quoi qu’elle fasse, persiste, bien mieux que de l’indifférence, de la bienveillance de la part du public comme des médias. Chez elle, le respect n’est pas à chercher, il s’impose d’office. Définition comme une autre de la classe.

Il serait donc possible, aujourd’hui, à l’ère d’Internet et du tout visible et spectaculaire, à l’heure où rien n’encombre autant les tabloïds que la déchéance des vedettes, l’extinction des étoiles, d’être « d’actualité » sans lasser, omniprésent(e) sans irriter ni même étouffer. Par un troublant et fascinant travail de pure « professionnalisation », entre don absolu au métier et préservation jalouse d’une intimité sans doute si « banale », Juliette Binoche fait joliment exception. Là où, déjà dévorée par sa trop soudaine notoriété, Marion Cotillard confirme hélas un peu plus la règle (il paraîtrait qu’elle ne croit pas au 11 septembre…).

©Golem Distribucion


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