Jamais sans toi

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Manque au moins un ingrédient pour faire de ce film une oeuvre sulfureuse : un soupçon de sel. Dommage, car le cinéaste tenait là un sujet brûlant…

Têtu n’y va pas avec le dos de la cuillère, en apposant son logo sur l’affiche du film et en déclarant sans ambages : « Une love story sulfureuse, deux acteurs d’une beauté à couper le souffle. » C’est vrai qu’ils sont beaux ces deux demi-frères qui s’aiment d’amour fou, mais justement : tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil dans ce film brésilien qui ne montre aucune favela, pratiquement aucun métis ni aucune misère. Cette histoire d’amour se situera uniquement dans les beaux quartiers et basta.

Inutile cependant de polémiquer, car Jamais sans toi aurait au moins pu être un film coup de poing assez original, s’il décollait un peu du niveau téléfilm, d’autant que la mise en scène est particulièrement desservie par une musique sirupeuse et que le scénario paraît cruellement bâclé. La seule originalité de cette histoire d’amour homosexuelle réside alors dans le fait qu’elle a pour protagonistes deux demi-frères, unique élément la préservant d’une totale banalité. Il aurait même été intéressant de dépasser ce tabou en allant encore plus loin : pourquoi pas de vrais frères, voire des jumeaux ? L’auteur, ancien économiste, semble en tout cas un peu effrayé par l’ampleur et le caractère scandaleux de son sujet, mettant ainsi la pédale douce tout du long.

Autre reproche : la psychologie des personnages, assez sommairement expliquée par de longs plans fixes sur le regard de la mère ou les embrassades de ces deux beaux jeunes hommes lorsqu’ils découvrant le vertige de l’amour. La voix-off du frère aîné, ne rend pas plus aisé de saisir les origines de cet attachement quasi maladif, cette attirance homosexuelle, le fait que les parents n’en aient jamais parlé, sinon par de vagues allusions.

Sans être vraiment choqué par cette histoire d’amour qui ne finit même pas mal, il n’est pas impossible d’être quand même interpellé par la vacuité d’une vie un peu trop tracée au cordeau. Rien ne pourrait séparer les deux frères, pas même une femme, pas même la natation, et surtout pas la Russie, perçue comme pays d’oppression, par opposition à la beauté des paysages brésiliens et argentins, avec soleil, mer et magnifiques paysages de la baie de Rio de Janeiro. Au final, n’y tenant plus, le frère aîné franchira pour la deuxième fois le Rubicon pour retrouver son frère en terre froide, ne pouvant vivre sans lui… Jamais sans toi aurait dû (pu) nous choquer, nous donner des sueurs froides, mais reste hélas à la surface des choses, sacrifiant en fait non pas au mélodrame (à la Sirk, cela aurait été un régal !) mais au roman de gare pour midinettes rassurée à l’idée que les histoires d’amour finissent bien en général.

On pourrait rétorquer qu’il est difficile de faire du cinéma, que l’enfer est pavé de bonnes intentions, que l’amour fait mal, etc. On pourra dire ce qu’on voudra, il n’empêche que manque à ce film le sel nécessaire à en faire une œuvre sulfureuse. Dommage, car le cinéaste tenait là un sujet brûlant propice pour le consacrer comme un nouveau Pasolini ou un inquiétant psy filmant, ce qui, en pareille époque grisée par les propos d’Onfray, n’aurait pas manqué de remuer notre petit Landerneau germanopratin.

Titre original : Do começo ao fim

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Acteurs : ,

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Durée : 94 mn


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