Inupiluk

Article écrit par

Projet transmedia autant que courts-métrages indépendants, les deux films du palois Sébastien Betbeder tissent une aventure humaine au pays des Inuits.

Inupiluk

L’auteur de 2 automnes, 3 hivers n’est décidemment pas frileux. Après des années de courts et moyens métrages, il avait réalisé son premier long, Les nuits avec Théodore, avec deux "stars" françaises du cinéma un peu auteur, puis un second, 2 automnes, 3 hivers, avec la star auteuriste Vincent Macaigne. C’est aujourd’hui sans pression qu’il présente en salles (mais seulement dans deux salles, "au mk2 Beaubourg et à l’autre là", dira un personnage du film) un dyptique assez original : un court de fiction classique, Inupiluk, où les amis parisiens Thomas et Thomas reçoivent deux Groenlandais ; et un projet plus hybride, entre document de travail, fiction malicieuse et enregistrement pour France Culture d’une sorte de teaser pour un long-métrage à venir.

Inupiluk est plein de la tendresse toujours un peu acide de Betbeder pour ses personnages, des rêveurs jamais vraiment arrivés à l’âge de raison. Ici les deux copains vont par la force des choses se cogner à l’aventure la plus exotique possible pour des citadins: recevoir deux Groenlandais, Ole et Adam, quittant pour la première fois leur île. Improvisés guides touristiques, les deux garçons tâtonnent mais se révèlent des hôtes efficaces, de la visite d’un zoo en banlieue parisienne à l’excursion à la dune du Pyla, jusqu’à l’ultime escapade dans une forêt de pins.

Le film capture, certainement pour de vrai, les tentatives de communication empreints de gêne et de silences, mais pas dénuées de charme, où personne ne semble être sûr de ce que l’autre vient de dire. Les deux invités ne parlant pas anglais, la compréhension se limite au minimum, créant parfois de belles scènes, jamais appuyées, où le cinéaste se moque gentiment de l’esprit de sérieux du Français pour son "art de vivre", et toque quelquefois ses deux comparses parisiens comme gentiment condescendants pour les deux hommes des neiges. Un des deux Thomas a, par ailleurs,  l’idée d’enregistrer Ole et Adam dans leur langue, pour comprendre après traduction ce que les deux hommes voulaient dire. Comprendre, à retardement, le sens d’une discussion, où l’importance de ce voyage pour les deux hôtes, un peu changés par cette rencontre.

Le film que nous tournerons au Groenland

Complétant le dyptique, le second film est un carnet de bord de l’après Inupiluk, où le réalisateur retrouve ses deux comédiens pour leur faire part du projet d’écrire le long-métrage du voyage retour, où les deux français voleraient vers le Groenland ! Les deux garçons un peu désoeuvrés – amateur de tennis pour l’un (ha cette passion des cinéphiles pour le tennis, de Daney à tous les autres!) et d’une fille qui le rejette sans cesse pour l’autre – se remettent donc à bosser avec Sébastien sur l’écriture d’un scénario, le temps d’une journée. Le trio est par ailleurs suivi par une équipe de France Culture qui les enregistrent, comme eux enregistraient Ole et Adam…

Ce second court de 30 minutes est un objet plus dynamique, aussi plus haché qu’Inupiluk, un prototype à la fois spontané mais fabriqué des préparatifs d’un film; certes, il s’agit plus des débuts,  plein du charme des discussions sans queue ni tête sur des idées de rebondissements – un bras arraché par un ours, une maladie exotique au Groenland, la varicelle, une cachette à alcool. Méta sans être appuyé, le film réussit plutôt bien à donner envie de suivre les deux garçons sur une île pour cinq semaines. Mais ce teasing lui-même n’a rien d’innocent. Enrobant une scène de tensions et d’animosité, le cinéaste n’oublie jamais d’alterner moments rigolards et d’autres plus intimes, tout en caractérisant peu à peu ses deux acteurs/héros/sujets, laissant au spectateur l’agréable impression de se faire mener par le bout du nez: tant de charmant naturel ne peut être dû au hasard.
 
Le 25 Mars, l’équipe partira donc tourner le long-métrage au Groenland durant cinq semaines, dans le village de Kullosuaq. Durant cette période, sera alimentée une palterforme numérique dédiée au projet avec des vidéos, reportages photos, et sonores, ainsi qu’un journal de bord filmé. Ainsi, depuis le premier court métrage se construit désormais une oeuvre transmedia, dévoilant au futur spectateur du long métrage l’aventure totale des dessous de la grande machine du cinématographe !

Le site: http://www.voyageakullorsuaq.com/intro

 

Titre original : Inupiluk

Réalisateur :

Acteurs :

Année :

Genre :

Durée : 64 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Dersou Ouzala

Dersou Ouzala

Oeuvre de transition encensée pour son humanisme, « Dersou Ouzala » a pourtant dénoté d’une espèce d’aura négative eu égard à son mysticisme contemplatif amorçant un tournant de maturité vieillissante chez Kurosawa. Face aux nouveaux défis et enjeux écologiques planétaires, on peut désormais revoir cette ode panthéiste sous un jour nouveau.

Les soeurs Munakata & Une femme dans le vent.Sortie Blu-ray chez Carlotta, le 19 mars (OZU, 6 films rares ou inédits).

Les soeurs Munakata & Une femme dans le vent.Sortie Blu-ray chez Carlotta, le 19 mars (OZU, 6 films rares ou inédits).

Dans l’immédiat après-guerre, Yasujiro Ozu focalisa l’œilleton de sa caméra sur la chronique simple et désarmante des vicissitudes familiales en leur insufflant cependant un tour mélodramatique inattendu de sa part. Sans aller jusqu’à renier ces films mineurs dans sa production, le sensei amorça ce tournant transitoire non sans une certaine frustration. Découvertes…

Dernier caprice. Sortie Blu-ray chez Carlotta, le 19 mars (OZU, 6 films rares ou inédits).

Dernier caprice. Sortie Blu-ray chez Carlotta, le 19 mars (OZU, 6 films rares ou inédits).

Le pénultième film d’Ozu pourrait bien être son testament cinématographique. Sa tonalité tragi-comique et ses couleurs d’un rouge mordoré anticipent la saison automnale à travers la fin de vie crépusculaire d’un patriarche et d’un pater familias, dans le même temps, selon le cycle d’une existence ramenée au pathos des choses les plus insignifiantes. En version restaurée par le distributeur Carlotta.

Il était un père. Sortie Blu-ray chez Carlotta, le 19 mars (OZU, 6 films rares ou inédits).

Il était un père. Sortie Blu-ray chez Carlotta, le 19 mars (OZU, 6 films rares ou inédits).

Difficile de passer sous silence une œuvre aussi importante que « Il était un père » dans la filmographie d’Ozu malgré le didactisme de la forme. Tiraillé entre la rhétorique propagandiste de la hiérarchie militaire japonaise, la censure de l’armée d’occupation militaire du général Mac Arthur qui lui sont imposées par l’effort de guerre, Ozu réintroduit le fil rouge de la parentalité abordé dans « Un fils unique » (1936) avec le scepticisme foncier qui le caractérise.