Le nouveau Nicloux oscille entre enquête policière d´Hercule Poirot, vaudeville noir et comédie burlesque décalée. Mais la sauce ne prend pas. Pire, cette expérience étonnamment foutraque vire à l´exercice de style grotesque. Déconcertant…
Mais où est donc passé le réalisateur du Poulpe, film à la verve réjouissante ? Celui d’Une affaire privée et de Cette femme-là, polars malins, poisseux et brillamment mis en scène ? Leur auteur semble s’être perdu en route depuis l’adaptation à l’écran, avec pertes et fracas, du roman de Jean-Christophe Grangé, Le Concile de pierre en 2006. Jusqu’à La Clef, dernier élément de sa trilogie policière non préméditée, Guillaume Nicloux n’a cessé de creuser au plus profond la noirceur de l’âme humaine à travers des personnages solitaires abimés par la vie, délaissant peu à peu toute forme d’humour. Mettant en stand by l’élaboration d’un projet à l’étranger complexe, le réalisateur choisit avec Holiday d’inverser sensiblement les proportions et de revenir à un film ludique, au ton caustique et décalé, réminiscence de ses premières productions. Pas étonnant donc d’y retrouver Jean-Bernard Pouy à l’écriture et Jean-Pierre Darroussin (impeccable comme toujours) dans le rôle principal, ses complices sur Le Poulpe. Pour autant, il conserve des codes qui lui sont familiers, un univers tordu, un récit fragmenté et un personnage rongé par des angoisses paranoïaques.
Cet homme, interprété par Darroussin, c’est Michel Trémois. Il erre, hagard, le nez amoché et les vêtements maculés de sang, près d’une gare de province pour finalement échouer dans une pharmacie. Le patron semble le connaître, et pour cause, il est déjà passé la veille. À ce moment-là, il était encore très en forme. Qu’a-t-il bien pu lui arriver au cours de ces dernières heures ? Le film se construit alors sur un flash-back en trompe l’œil – parfois brouillon il faut bien le dire – qui peine à entretenir un suspense. Le héros s’apprête à passer un week-end avec son épouse (Judith Godrèche, toujours prompte à assumer le rôle de godiche), et sa belle-mère, déprimée à la suite d’une rupture (une Josiane Balasko sobre, malheureusement trop peu présente à l’écran). Ils débarquent dans un hôtel à l’atmosphère étrange. Le personnel et les pensionnaires sont à l’image du lieu, mystérieux voire inquiétants pour certains. Le séjour va progressivement virer au cauchemar, notre homme se retrouvant accusé de meurtre.
D’abord légère et plutôt amusante (en dépit de quelques gags ratés), l’ambiance qu’instaure le réalisateur se fait plus pesante pour finalement déboucher sur une théâtralité lourdingue, au gré d’une mise en scène se rapprochant de la comédie de boulevard. Comme son personnage principal, confronté à ce huis-clos malsain et à son couple en déliquescence, écrasé par le poids de la suspicion, le film est asphyxié par un mélange des genres malhabile, sans jamais parvienir à reprendre sa respiration. Même l’intrigue, sensiblement inspirée des enquêtes à la Agatha Christie, se noie dans une ostensible fascination du cinéaste pour la laideur physique, le lubrique, et la putréfaction (dès le générique de début, très réussi lui). Car entre un détective privé aux dents pourries (on aura compris au bout du dixième plan rapproché !), un couple d’échangistes dont le mari est un nain, une nymphomane, auxquels on se doit d’ajouter la belle-mère du héros – Balasko filmée entièrement nue, il fallait oser – qui découvre l’amour bestial dans les bras d’un peintre raté bodybuildé comme un acteur de films porno, et sa femme qui retrouve goût au sexe grâce à une rencontre nocturne, Holiday aurait dû être rebaptisé en Hercule Poirot chez les Freaks…
Trois ans après son court-métrage Adami, « L’arche des Canopées », Céline Sallette revient à Cannes et nous confirme qu’elle fait un cinéma de la candeur.