Greta

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Thriller à ficelles dont la valeur tient beaucoup au magnétisme pervers dont se joue Isabelle Huppert.

C’est un sac à main chic, cuir vert touche croco et fermoir doré rutilant, qui trône, abandonné, sur un banc de métro new yorkais. Cet objet à l’éclat malhonnête est l’hameçon avec lequel Greta (Isabelle Huppert), une femme perverse et destructrice, va tenter d’amener Frances (Chloe Grace Moretz) dans ses filets. Cette veuve d’origine française (ou hongroise, jouant sur l’opacité du personnage), qui vit seule depuis la mort de sa fille, conjure sa solitude en jouant avec ses jeunes proies bienveillantes qui lui rapportent son sac. Lorsqu’elle tombe sur Frances, qui a récemment perdu sa mère, on imagine le déploiement d’une connexion lourde en enjeux psychanalytiques façon Cérémonie secrète de Joseph Losey (1969), dans lequel une mère pleurant sa fille (Elizabeth Taylor) et une fille ayant perdu sa mère (Mia Farrow) se rencontraient pour une relation sous le signe d’un transfert, plus ou moins conscient, et tout à fait malsain. L’oeuvre de Neil Jordan n’ira pas jusque là, Frances découvrant rapidement le caractère toxique de Greta.

 

 

Antre et détails du cauchemar

Néanmoins, comme dans le film de Losey, c’est l’intérieur d’une maison et sa scénographie qui forment une partie du centre de gravité de l’oeuvre. C’est l’antre sombre où Greta attire Frances, moins chargée en bibelots et architecture biscornues que dans Cérémonie secrète, mais riche en détails d’objets qui auront leur importance dramatique (un placard qui fait découvrir à Frances la série de sacs que Greta égare, un piano et son métronome, une tasse…) Neil Jordan agrémente son image numérique lisse de détails d’inspiration fétichiste, évoquant parfois Alfred Hitchcock (le verre de lait éculé) ou encore son pasticheur génial Brian de Palma, en usant de manière répétée de gros plans ou de caméra subjective pour signifier la présence de Greta et susciter l’anxiété, au détour d’un couloir ou dans une rame du métro new yorkais. Les roulements musicaux imposants utilisés dans les séquences de peur sont trop démonstratifs et enlèvent de la subtilité à ce thriller psychologique qui déroule le processus d’une véritable emprise par harcèlement.

 

 

Une vampire

C’est au fond le fil que déroule le réalisateur d’Entretien avec un vampire (1994) : la toile que tente de tisser jusqu’à étouffement Greta autour de Frances. Et le climat de son film repose beaucoup sur les épaules d’Isabelle Huppert, passée maîtresse en l’art des compositions de personnalité extrême. Elle est le vampire du film, qui aspire tout l’air des plans, et face à laquelle la trop aseptisée Chloe Grace Moretz, avec sa palette d’expressions assez limitée, ne fait pas le poids. En contrepoint de la folie dangereuse instillée par Isabelle Huppert, Maika Monroe, dans le rôle de la colocataire plus désabusée et débrouillarde que Frances, campe un personnage plus intéressant que celui de Chloe Grace Moretz, bien qu’il soit peu exploité dans l’ensemble du film. La partition tour à tour mutique et hystérique d’Isabelle Huppert, qui orchestre les plans, est le relief donné à une oeuvre qui reconduit une série de ficelles scénaristiques propres au thriller (jusque dans ses objets). L’oeuvre bascule progressivement dans une descente aux enfers un peu facile et racoleuse. Greta se donne comme une création très académique, maîtrisée et incarnée mais qu’on aurait souhaité plus inventive.

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Durée : 98 mn


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