Festival Gérardmer

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Le Festival de Gérardmer se referme sur une triste 17e édition : le grand prix du dernier Festival du film fantastique, « The Door », est à l’image d’une manifestation toujours aussi suivie, mais qui cette année, était pauvre en révélations et en vrais chocs cinématographiques. Petit bilan.

Après deux éditions de haute volée, qui avaient vu quelques bijoux (Morse, L’Orphelinat, REC, Midnight Meat Train, pour ne citer qu’eux) enchanter les festivaliers, 2010 a été, si l’on compile les réactions des spectateurs après chaque film, l’année du « mouais ». Amputée de plusieurs projections exclusives (dont celle du dernier Peter Jackson), suite à une brouille avec un distributeur hexagonal, la sélection a joué profil bas : piochées dans d’autres festivals français ou internationaux, pour la plupart vouées à une exploitation DVD, les œuvres vues durant ce week-end ne risquent malheureusement pas de créer l’événement.

Les Français en force

Côté français, ou plutôt cinéma francophone, les films étaient en nombre, pour diverses réussites : le film d’ouverture, Dans ton sommeil, premier long d’un couple de passionnés, Caroline et Eric du Potet, prend successivement la forme d’un drame familial, psychologique, puis d’un vrai thriller virant dans sa dernière partie vers le pur slasher à tendance gore et/ou onirique. Dit comme ça, on pourrait croire à une expérience filmique unique en son genre : à l’écran, malgré la présence d’une Anne Parillaud enfin juste et d’un Thierry Frémont magnétique, Dans ton sommeil demeure trop plat et étiré pour convaincre.

Le film a pourtant fait sûrement plus d’adeptes que l’incroyable (ou le détestable, c’est selon) Amer, là aussi première œuvre de Hélène Cottet et Bruno Forzani. Production franco-belge totalement expérimentale, Amer est un hommage érudit mais presque autiste au giallo italien : fétichisme, érotisme, masochisme, sadisme, la femme que l’on suit, à trois périodes de sa vie, dans ce trip unique, passe par tous les états, avant un « dénouement » où la paranoïa et la folie se télescopent, dans un maelstrom indéfinissable. Dur de trouver les mots pour décrire un film qui s’en passe sans problème : bien que maladroit et parfois abscons, Amer n’a laissé personne indifférent.

Tout comme, dans un autre genre, La Horde, encore un premier long signé Yannick Dahan et Benjamin Rocher. Là, moins de soucis, on est dans le genre « zombies en furie », plutôt rare en France, mélangé à une guerre entre gangsters et flics, tous aussi borderline les uns que les autres. Ca va vite (pour masquer le budget limité), ça cogne dur, ça parle et ça secoue la caméra souvent pour ne rien dire, mais l’énergie bouillonnante, malpolie, indéniable, est pourtant là. Le public a adoré, mais a préféré décerner son prix au québecois 5150, rue des Ormes, que votre serviteur a malheureusement raté…

Des surprises au palmarès

Très présents en 2008, les films hispaniques ont beaucoup moins convaincu en 2010. Resucée des films de fantômes déjà produits par l’Espagne (de la Secte sans nom à L’Orphelinat), remplie jusqu’à la nausée de clichés propres au genre, Les Témoins du mal ne valait pas la peine qu’on s’y attarde. Plus convaincant, surtout plastiquement, Hierro, de Gabe Ibanez, parlait lui aussi d’une mère et de la perte d’un enfant, mais dans un cadre plus original et onirique (la dite île d’El Hierro). Errance mystérieuse d’une femme inconsolable à la recherche de son fils disparu sur un ferry, Hierro n’avait de fantastique que son ambiance, faite de discrètes touches surréalistes, et son actrice principale, la divine Elena Anaya.

Les deux grands gagnants de la compétition, choisis par le jury présidé par John McTiernan, ont été le déjà très connu Moon, de Duncan Jones, grand petit film de science-fiction à base de clones et de questionnements sur l’identité, porté par un immense Sam Rockwell, et l’allemand The Door, d’Anno Saul, variation mélodramatique et manquant quelque peu de rythme, sur le thème de la seconde chance et du voyage dans le temps. Un palmarès mi-figue, mi-raisin, à l’image d’une compétition faible en réussites indéniables.

Natali réussit sa mutation

C’est vers le reste des films projetés qu’il fallait se tourner pour être un peu surpris. Splice, de Vincenzo Natali, en premier lieu, a relevé magistralement le niveau du festival. Auteur d’un tonitruant début de carrière (Cube, anyone ?), le cinéaste canadien a par la suite eu du mal à monter et à défendre ses projets. Après une trop longue absence, et sous le parrainage salvateur de Guillermo del Toro, Natali revient avec une histoire de création scientifique interdite, un classique du genre qu’il porte à des niveaux d’étrangeté et de malaise rarement atteints. Démarquage avoué et assumé du travail de son compatriote Cronenberg, Splice malmène son couple d’acteurs (Sarah Polley et Adrien Brody), deux personnages trop asociaux et géniaux pour leur propre bien, désarmés face à l’intelligence de leur propre créature, successivement en synthèse puis jouée par deux véritables – et incroyables – comédiennes. Divertissement intelligent et vénéneux, Splice est au final une complète réussite.

Plus inattendu, le film de science-fiction suisse (!) Cargo, a pour lui son indéniable ambition visuelle, et un scénario à tiroirs qui prend (beaucoup) le temps de se révéler, au cœur d’un vaisseau cargo à l’inquiétante austérité. Dommage qu’Ivan Engler (premier film là aussi) ait les yeux plus grands que le ventre, mixant Event Horizon, Matrix et Mission to Mars dans une dernière demi-heure à la résolution aussi attendue que paresseuse. On s’ennuyait en tout cas moins à la projection tardive de Doghouse, pochade british réalisée par le cinéaste punk Jake West, mettant aux prises une bande de « lads » beaufs sous tous rapports, avec une ville remplie de femmes zombies. Humour en-dessous de la ceinture, péripéties goresques : cet erzatz de Shaun of the Dead permettait de mettre pour un temps son cerveau en mode sommeil.


Déceptions et découvertes

Très attendus, les nouveaux films de Rob Zombie et George Romero, Halloween 2 et Survival of the Dead, ne se sont pas montrés à la hauteur de leur réputation. Bien que profitant d’une image splendide due à son tournage en HD Cam, Halloween 2 est une séquelle boursouflée où Zombie ressasse ses obsessions et figures de style avec brio, mais en faveur d’un script idiot. Survival of the dead, sixième film de morts-vivants réalisé par Romero, baisse encore d’un cran après le faussement malin Diary of the Dead. Atrocement mal joué, tourné comme un téléfilm, et usant d’un humour qui fait sourire dans ses premières minutes avant de se révéler très lourdaud, Survival a refroidi d’un coup l’ambiance de la grande salle, constituée d’indécrottables fans : Romero n’a plus rien à dire, et de plus, il le fait mal. Cruelle désillusion.

Signalons pour finir qu’au cœur de la sélection des inédits vidéo, toujours parrainée par le magazine Mad Movies, se cachait une petite perle se distinguant nettement des séries B désœuvrées habituelles : House of the devil, sans aucun problème le meilleur film de Ti West (Cabin Fever 2), se veut être une expérience nostalgique ultime. Un film tourné, interprété et joué comme si nous étions dans les années 80. L’époque des Carpenter, de Trauma ou de Poltergeist, la décennie bénie du fantastique américain, qui a durablement marqué le réalisateur. Avec une héroïne seule dans une maison de satanistes, peu de moyens, et une volonté farouche de recréer un « feeling » cinéphilique oublié, Ti West réussit une œuvre attachante, dans les limites de ses compétences. Pas un chef-d’œuvre, mais une œuvre conceptuelle attachante, et surtout, différente.

Quelque soit l’avenir de Gérardmer, le présent est, lui, plutôt morose. La 17e édition du Festival international du film fantastique de Gérardmer, qui s’est déroulé du 27 au 31 janvier dernier, serait selon certaines rumeurs, peut-être un chant du cygne. Ne tirons pas sur l’ambulance, l’organisation du festival elle-même assure que l’événement fêtera bien ses 20 ans en 2013. Il n’empêche : les soucis économiques réels dont la presse s’est fait l’écho en décembre, la difficulté à trouver de nouveaux et solides partenaires financiers, ainsi qu’à remplir les quatre salles de spectateurs devant braver le froid, la neige et le relatif inconfort des installations (projections de DVD chaotiques, disposition des rangées empêchant presque la lecture des sous-titres, files d’attente interminables dans le froid des Vosges…) n’aident pas à voir le futur en rose. Ou plutôt en rouge.
 


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