Festival de Cannes 2012 – Jour 6 : Plein soleil

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En attendant le Leos Carax, on n’a pas aimé le Bonnaire, beaucoup plus le Delépine et Kervern. Et le soleil est revenu.

Cannes Jour 6, milieu de festival, et je me suis arrangé pour rester jusqu’au bout, finalement. Ce sera ainsi plus simple de dresser un bilan, de pouvoir mettre les films les uns face aux autres. Le milieu du festival, moment charnière où la fatigue est vraiment présente, où l’on ne demanderait qu’à dormir ; et en même temps, on sait qu’il reste encore cinq jours, encore des bons films. Et puis le soleil est revenu, ce qui ne gâche rien. On peut à nouveau écrire face à la mer, plage de la Quinzaine qui est un peu devenue notre QG. C’est bien comme ça.

Le Andrew Dominik, ce matin, a divisé tout le monde assez violemment. Chef-d’oeuvre absolu pour les uns (plutôt ceux qui n’aimaient pas L’Assassinat de Jesse James), ratage complet pour les autres. Enfin un film qui tranche, alors que pour l’instant, la plupart faisaient consensus, d’un côté ou de l’autre. On ne l’a pas vu, on sera ravi de participer au débat à sa sortie fin octobre. On a vu le nouveau Sandrine Bonnaire hier soir, par contre, présenté par l’équipe du film à l’Espace Miramar dans le cadre de la Semaine de la Critique. Et on n’a pas aimé. La séance débutait bizarrement par un programmateur submergé par l’émotion qui évoquait le film de façon lyrique, trémolos dans la voix et larme à l’œil. Ensuite, Sandrine Bonnaire se posait la main sur le cœur, et sur le ventre, plusieurs fois, parce que c’est avec eux que le film a été fait, disait-elle. Et puis tout le monde se remerciait, mille fois, vraiment merci, quelle belle aventure, sans toi jamais cela n’aurait été possible. C’était grandiloquent mais assez émouvant, on s’attendait à voir le film qui allait nous faire chavirer pour le reste du festival, celui qui touche jusqu’à l’os et auquel on n’arrête pas de penser. En fait, non.


J’enrage de son absence (pourtant Palme du plus beau titre du festival) est effectivement sincère et fait avec les tripes. Ça se voit, ça s’entend. Jacques (William Hurt) et Mado (Alexandra Lamy) ont eu un fils, il y a quinze ans. Ils l’ont perdu quatre ans plus tard dans un accident de voiture. Depuis, ils ne se sont pas revus. Elle est restée en région parisienne, s’est remariée et a eu un autre enfant, 7 ans. Aujourd’hui, le bonheur, de temps en temps, « ça lui arrive ». Lui est reparti à Boston, d’où il vient, et ne s’en est pas remis. Pour la succession de la maison de famille à l’occasion de la mort de son père, il revient. Ils se revoient. Elle lui présente son fils, les deux s’entendent bien, très bien, trop bien. Le garçon le cache dans la cave de l’immeuble, lui fait passer des aliments en douce, commence à l’aimer comme son père.
J’enrage de son absence est donc un film sur le deuil, sur la douleur indicible de la perte d’un enfant. On veut bien le croire, difficile d’imaginer pire malheur. Sauf qu’ici, l’argument devient vite douteux, et donne la désagréable sensation d’assister à des scènes plus proches de la pédophilie que d’une amitié logique entre un garçon et un père de substitution. Rien n’est très clair là-dedans ; ni les intentions des personnages, ni celles de Bonnaire. Si Mado s’insurge bien une fois le pot-aux-roses découvert, on ne sait pas très bien après quoi court Jacques. Une renaissance, semblerait-il. Oui, mais à quel prix, à quel degré d’inapproprié ? Peut-être est-on passé complètement à côté, peut-être n’a-t-on pas su voir ce qu’il y avait de si beau là-dedans. Peut-être. Quoi qu’il en soit, le reste du film n’est de toute façon pas aidé par une photo pourtant soignée mais qui donne le sentiment de voir un téléfilm France 3 ; des scènes exagérément démonstratives et une musique envahissante qui vient appuyer le moindre tressautement, la moindre émotion. C’est vraiment dommage, on avait envie d’aimer le nouveau film de Sandrine Bonnaire. Vivement le prochain, puisque, au moins, il n’y a aucune malhonnêteté là-dedans.

Ce matin, difficile de choisir entre Vous n’avez encore rien vu en séance de rattrapage, ce qui veut dire beaucoup de queue et aucune certitude d’entrer, et le nouveau Delépine et Kervern. Finalement, Le Grand soir, parce que leur travail, on le connaît bien, on l’aime beaucoup. Pas de grande surprise dans cette nouvelle chronique de vies en dehors des clous, mais toujours la même énergie, toujours la même envie de filmer et de donner chair à des personnages pas forcément aimables, mais qu’on a envie de suivre. Ici, Not (Benoît Poelvoorde) et Jean-Pierre (Dupontel), deux frères respectivement « plus vieux punk à chien d’Europe » et vendeur de literie. Le premier carrément anar’, l’autre dans la norme. Norme, un mot qu’il aime et répète souvent. Un jour, Jean-Pierre perd son « boulot de merde », fait un gros fuck au patron et s’en va rejoindre son cadet sur les voies d’une vie libre et sans attache.
La meilleure idée du film est d’avoir pensé la zone industrielle comme ville. On n’en sortira pas, on ne connaît que ça, il n’y a pas d’ailleurs. C’est foutraque comme toujours, c’est hilarant souvent, c’est un vrai film punk, à l’image de ses personnages, joués par des acteurs très en forme. Le Grand soir part dans tous les sens, ne saurait renoncer à tout prendre, à filmer tout ce que Delépine et Kervern ont envie de dire. On ne sait pas très bien ce que Brigitte Fontaine fait au générique, mais on adore qu’elle oublie son petit-fils dans son landau au fast-food. Là où Mammuth s’interrogeait sur la nostalgie, sur une vie misérable passée trop vite et trop mal, Le Grand soir est à l’inverse. Il fonce vers l’avant, appelle à la révolte, fait sa petite révolution. C’est la belle force du film que de tout défoncer sur son passage ; aussi sa petite limite, car le film s’épuise parfois lui-même dans son discours vindicatif et anticapitaliste un peu primaire, auquel on adhère mais qu’on aurait aimé voir moins appuyé. C’est très bien quand même, ça ne ressemble qu’à ses auteurs, et on reparle dans deux petites semaines, à sa sortie en salles.

Pour l’heure, c’est le moment d’aller tenter sa chance pour Holy Motors, le tant attendu nouveau film de Leos Carax. On espère pouvoir rentrer ; on a surtout très hâte de voir se croiser Edith Scob, Eva Mendes et Kylie Minogue. Si si.

Journées précédentes :
Festival de Cannes 2012 – Jour 1 : Trouver son rythme
Festival de Cannes 2012 – Jour 2 : Les amours contrariées
Festival de Cannes 2012 – Jour 3 : Toute première fois
Festival de Cannes 2012 – Jour 4 : All is love
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