Faites le mur

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Banksy s’empare lui-même de son propre film et réalise un documentaire hilarant sur le Street Art, l’audace et la quête obsessionnelle de l’art pour l’art.

Il y a exactement deux ans, Beaux-Arts Magazine débutait son dossier spécial sur le Street Art par ses mots : « Murs Blancs, peuple muet ». Nous voilà rassurés, puisqu’il suffit de lever un peu les yeux autour de soi dans n’importe quelle ville pour apercevoir, en haut d’un immeuble, sur un mur à l’abandon ou dans une rue piétonne peu fréquentée, des tags (signatures), collages et graffitis en tous genres. Le Street Art, aujourd’hui considéré comme un mouvement artistique comme un autre, n’est pourtant pas né d’hier. C’est à New-York, dans les années 70, que les guerres de gangs inventent le hip-hop et le graffiti, l’appropriation des espaces urbains, pour s’exprimer, laisser sa trace, et revendiquer.

2009, à Paris, la Fondation Cartier accueillait l’exposition « Né dans la rue-Graffiti », et voici que sort aujourd’hui un documentaire sur le britannique Banksy, un des graffeurs les plus connus du monde, peut-être le plus reconnu parmi les non-initiés, tant certains de ses travaux furent médiatisés. Passionnant, il l’est par ses travaux, tout autant que par son anonymat qu’il tente de préserver malgré une côte de popularité toujours plus grande, que le film ne risque pas de diminuer.

« Faites le mur », que l’on croit être un documentaire sur l’artiste, met rapidement carte sur table. Dès les premières minutes, passé un générique où pulsent des extraits vidéo de graffeurs en action, c’est Banksy lui-même (voix modifiée, visage flouté) qui nous informe que le film que nous allons voir n’est pas sur lui, mais sur l’homme qui a un jour décidé de réalisé un film sur Banksy.

A savoir Thierry Guetta, français exilé à Los-Angeles, dont nous découvrons, encore un peu perplexes, le quotidien et l’anglais très approximatif, ainsi que la manie de filmer à peu près tout ce qui l’entoure. Le jour où ce dernier découvre le travail des graffeurs américains – dont Obey, alias Shepard Fairey (connu du public pour avoir réalisé une célèbre affiche de campagne d’Obama), par l’intermédiaire de son cousin, autre street-artiste français non moins connu, Space Invader, venu à l’occasion conquérir l’Amérique de ses petits monstres –, sa vie change.

S’ensuit la quête d’images de Thierry, qui pénètre le milieu clandestin et bien souvent nocturne du graff de la côté ouest, devenant reporter et assistant de plusieurs artistes. C’est lorsqu’il découvre l’existence de Banksy que son travail de captation d’images se transforme en une véritable obsession, le conduisant à enregistrer des mètres entiers de pellicules, et à parcourir le monde aux côtés de son nouvel ami et sujet.

Le film ne s’arrête pas là, mais il serait dommage de dévoiler comment un supposé documentaire sur un artiste fascinant mute progressivement sous nos yeux ébahis et nos mines hilares. Plaidoyer pour la fascination que peut engendrer l’art, le film ressemble tout d’abord à un épisode de Fan de, pour ensuite interroger le phénomène de monétisation du Street Art. Si dès les années 80, les graffeurs américains, las d’être poursuivis pour dégradation par les autorités, se réfugient dans les galeries New-Yorkaise, Faites le mur dévoile comment ce que l’on nomme désormais le « post-graffiti » appartient au marché de l’art et rentre s’exposer au musée, provoquant bien des débats.

Néanmoins, et c’est tout le sel de ce docu-menteur réellement passionnant, on en apprend aussi beaucoup sur Banksy, son travail, mais aussi une partie de sa personnalité qui le poussera a lui-même réaliser Faites le mur, son concepteur initial étant occupé ailleurs (!). Le film ose même la dramatisation complète, accepte sa part fictionnelle avec humour, notamment lors d’une expédition à Disneyland digne d’une des meilleures comédies, ou encore dans le dernier quart du film, lorsque l’on découvre, effaré, la « créature artistique » engendrée par Banksy bien malgré lui.

En lice pour l’oscar du meilleur film documentaire 2011, le film est avant tout une ode au Street Art et aux héritiers de Keith Haring, « posant » dans la nuit, aussi furtivement que possible, guettant l’arrivée des policiers et de la dose d’adrénaline qui font le sel de cet art encore sévèrement illicite.
On sait qu’il existe depuis plusieurs années bon nombre de films amateurs circulant sur le net, montrant les artistes au travail, mais c’est ce film qui parviendra sans aucun doute à intéresser les non-initiés, en plus d’interroger finement certains points sensibles du milieu de l’art contemporain et d’interpeller les passionnés de cet art de rue, désormais mondial.

Titre original : Exit Through the Gift Shop

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Durée : 86 mn


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