Le cinéma roumain se fait de plus en plus connaître dans les festivals internationaux (deux films dans la sélection officielle cannoise cette année) et, partant, sur les écrans français, par le biais de ses réalisateurs les plus connus : Cristi Puiu, Cristian Mungiu ou encore Corneliu Porumboiu. Cette année, la catégorie Un Certain Regard a présenté une nouvelle recrue, Bogdan Mirica ; venu de la publicité, il écrivait jusqu’ici des scénarios pour d’autres cinéastes avant d’être lassé de ne pas retrouver dans le résultat final ce qu’il avait écrit. Si les films de ses compatriotes se caractérisent souvent par leur réalisme et leur sens du burlesque parfois, Mirica fait le choix du genre pour son premier long métrage.
Roman, citadin venu de la capitale, vient d’hériter des terres de son grand-père, qui n’avait pas la réputation d’être un paisible propriétaire terrien… Le no man’s land stérile, plus zone que paysage, qu’il lègue à son petit-fils, est en réalité le théâtre de trafics pour le moins obscurs. Des bruits étranges s’y font entendre la nuit, un pied coupé remonte à la surface d’un lac, l’ami chargé de la vente de la propriété disparaît brutalement ; la terre du grand-père a des secrets à garder.
A ces phénomènes qui évoquent sinon le film d’horreur, du moins le thriller, et qui provoquent la même angoisse, s’ajoutent des figures reprises au western. Le pied tendre qui débarque dans un environnement hostile, les hors la loi qui paradoxalement l’imposent alors que le sheriff en fin de carrière s’arrange avec elle. La rue principale, domptage artificiel du désert qui la cerne, trouve un lointain écho dans la maison de Roman ; une oasis de civilisation ouverte aux quatre vents et de ce fait perméable aux dangers et aux tentations venus de l’extérieur. Comme les étendues de l’Ouest américain étaient à la fois chance d’enrichissement (pétrole, or…) et risque mortel (outlaws, Indiens…), la terre héritée par Roman porte en elle cette même contradiction. Désireux de s’en défaire, il ne peut nier la fascination qu’elle exerce sur lui. Là où rien ne pousse, le temps s’est comme figé dans un état antérieur à la loi. Alors, les hommes qui vivent là sont ramenés doucement mais sûrement vers leur instinct, ce que le réalisateur appelle « leur nature ». Bogdan Mirica ne pourrait pas être plus en désaccord avec l’idée que l’homme naît fondamentalement bon ; le choix du titre le proclame, qui n’est pas là pour parler du seul chien du film mais bien des humains qu’il côtoie.
La violence est inhérente à l’homme, si bien que chaque face à face, chaque conversation, pour anodine qu’elle puisse paraître, créent une tension sans véritables raisons apparentes. C’est que Dogs distille ses informations de la même façon qu’il laisse éclater la violence : au compte gouttes. On est plus dans l’insinuation que dans l’exposé des faits, que ce soit dans les dialogues ou dans les plans. Il s’agit plus de donner à ressentir, voire à flairer, que de satisfaire à l’envie du spectateur de tout saisir en ayant accès à l’ensemble des tenants et aboutissants de l’histoire. L’ombre de No Country for Old Men (Joel et Ethan Coen, 2007) plane sans cesse sur Dogs. Il y a quelque chose d’un théâtre de l’absurde ici. Seuls de rares personnages se croisent dans ce décor ouvert, parlent d’individus jamais vus ou disparus, en attendant que quelque chose se passe en eux ou autour d’eux qui viendrait justifier leur présence en ces lieux. Et finalement, c’est le vide qui gagne.
Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.
En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…
Lundi 7 juillet, au cours d’une cérémonie à la cinémathèque française, un long métrage et un court métrage se verront attribués le prix Jean Vigo, 2025. Wang Bing sera également récompensé pour l’ensemble de son œuvre.
L’anthologie du suspense et de l’humour orchestrée par Sir Alfred Hitchcock. 268 histoires courtes – dont un grand nombre d’inédits- à dévorer sans modération.