Disco Boy

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Entre réalisme et magie, un homme cherche sa place dans le monde.

Réponse à la violence du monde

Ce film, bien parti pour obtenir l’Ours d’Or à Berlin cette année, nous dit-on, n’est pas bien-pensant pour une fois, en tout cas pas manichéen. En fait, loin de l’Ours d’Or tant attendu, il obtiendra cependant le Prix de la Meilleure contribution technique pour la directrice de la photo, Hélène Louvart. Pourtant, il pose maintes questions dont certaines resteront sans réponse contrairement à tous ceux qui, de nos jours, ont réponse à tout sur les migrants, les conflits, l’Ukraine et la Biélorussie, le néocolonialisme, l’écologie, etc. Bien sûr le réalisateur se pose la question de la violence qui mène le monde actuel, violence d’ailleurs à tous les niveaux et même dans la musique, mais il n’a pas de solution clé en main. Il semble aussi désemparé que nous en nous livrant cette fable fiévreuse et envoûtée. Giacomo Abruzzese, originaire des Pouilles en Italie, n’a à ce jour réalisé que des courts-métrages et un documentaire, en 2020, America. 

  

Entrée dans un autre monde

Son premier long-métrage, produit par la France par le biais des Films Grand-Huit, constitue un ensemble déroutant qui use (et abuse ?) de l’ellipse, de la lumière bleue, des fumigènes et de la sueur, toujours très proche des larmes et du sang. Un concentré de violence, mais sublimée par une mise en scène à l’évidence tout sauf didactique, la photographie magnifique d’Hélène Louvart, la musique de Vitalic, pape électro et des acteurs vraiment charismatiques comme l’artiste afro-punk, Laetitia Ky dont les yeux (faussement) vairons vont déteindre sur tout le film, et Morr Ndiaye, dans le rôle d’un chef rebelle du delta du Niger. Et bien sûr, l’éblouissant acteur allemand, Franz Rogowski, qui irradie tout le film de sa présence à la fois discrète et prégnante. On l’avait déjà remarqué dans de grands films, tels qu’Une valse dans les allées de Thomas Stuber en 2018, J‘étais à la maison, mais… d’Angela Schanelec en 2019, Une vie cachée de Terrence Malick en 2019 et Ondine de Christian Petzold en 2020. Beau palmarès déjà pour cet acteur allemand de 37 ans qui est aussi danseur et chorégraphe. C’est en partie pour cela que Giacomo Abbruzzese l’a choisi puisque son personnage, un peu caméléon, va traverser plusieurs vies pour s’incarner dans celle d’un disco boy justement. 

Sublimé par la danse

Commencé mystérieusement par un plan sur des corps africains entassés dans une case de la jungle, puis un gros plan sur les yeux vairons d’une femme et, tout de suite après, sur une équipe de foot braillarde qui se rend de Biélorussie en Pologne pour un match. Deux personnages, Aleksei et son ami Mikhael, vont en profiter pour se faire la malle mais hélas leur rêve de Paris va tomber à l’eau justement lorsque Mikhael se noie en passant un fleuve frontalier. Aleksei se retrouve à Paris, sans papier, et s’engage dans la Légion étrangère qui lui redonne un statut. C’est à ce moment-là, lors d’un passage dans une discothèque parisienne, que sa vie (et le film aussi) basculent. On entre directement dans l’imaginaire du réalisateur qui nous conduit alors dans une sorte de réalisme magique puisque la danseuse aux yeux vairons, qu’on avait aperçus au début du film, le conduit au guerrier Jomo qui se bat contre l’installation d’une immense raffinerie de pétrole dans le delta du Niger. Le spectateur sera sans doute perdu, mais qu’il se laisse aller à cet envoûtement qui fait parfois penser à du vaudou. « Par exemple, je ne voulais pas filmer le combat entre Aleksei et Jomo comme dans un Rambo, déclare le réalisateur. Cela aurait été ridicule. J’avais envie de tourner ce film d’une manière différente, plus abstraite. » Et cette abstraction, c’est la danse qui la communiquera. 

Titre original : Disco Boy

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Durée : 91 mn


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