Des hommes sans loi

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John Hillcoat se fait plus accessible pour un film efficace mais au déroulement attendu.

Quatrième film de John Hillcoat, Des hommes sans loi fait pour lui figure de vrai baptême du feu hollywoodien. Le réalisateur s’était fait connaître dans le monde grâce à son formidable The Proposition (2005), transposant le western dans le bush australien. Ambiance crépusculaire, violence sèche et douloureuse, tonalité âpre et poétique constituaient tout le sel de ce deuxième film tardif (après le carcéral Ghosts… of the Civil Dead en 1988). Dans ses bagages d’anciens clippeur, Hillcoat avait emmené avec lui Nick Cave (également auteur du scénario), dont les bandes originales avec son acolyte Warren Ellis constituent une part essentielle de la majesté des images du réalisateur (ou de celle du fabuleux L’Assassinat de Jesse James d’Andrew Dominik en 2007). Hillcoat débarquait ensuite aux États-Unis pour signer l’adaptation du classique moderne de Cormac McCarthy, La Route (2009). Même si les aficionados du roman y trouveront forcément toujours à redire, La Route s’avérait une nouvelle fois un objet singulier par le profond désespoir ressenti, la désolation et l’atmosphère grisâtre qui l’imprégnaient.

Hillcoat se frotte donc de manière plus marquée au moule hollywoodien avec Des hommes sans loi, croisement de western et de film de gangster bien plus direct dans les genres qui l’illustrent, et qui ajoute la contrainte d’être adapté de faits réels. L’histoire transpose le combat que se livrèrent les frères Bondurant et la police durant la Prohibition. On retrouve ici tous les atouts des précédents films d’Hillcoat mais quelque peu lissés sur l’autel du classicisme. Pas vraiment un défaut en soi, Hillcoat se pliant aux contraintes de son matériau pour y distiller sa patte de manière plus diffuse afin de ne pas le dénaturer. Pour cela, il s’appuie sur un formidable casting où la relation fraternelle du trio de héros constitue le ciment émotionnel du film. Revenus de tout, les imposants et charismatiques grands frères Forrest (Tom Hardy) et Howard (Jason Clarke) écartent de leur vie de hors-la-loi trafiquants d’alcool leur cadet Jack (Shia LaBeouf), qui n’aura pas eu le loisir de s’endurcir lorsque surgit la terrible menace de l’agent Charlie Rakes (Guy Pearce), bien décidé à les faire tomber.
 
 

 
 
S’il y a un vrai sous-texte politique dans le script de Nick Cave (l’hypocrisie morale de l’interdit, la police souhaitant simplement contrôler le marché de l’alcool de contrebande), c’est vraiment l’humain qui intéresse. L’impulsif Jack cherchant à trouver sa place devra s’aguerrir et trouver cette sérénité qui constitue la force de ses frères lorsqu’ils doivent laisser éclater leur violence. Pour Forrest, c’est le chemin inverse, où le masque insensible devra s’adoucir, à l’image de la séduction muette avec Jessica Chastain – cette dernière devant prendre les choses en main face à l’étonnante timidité du dur à cuire dans une des plus belles scènes du film. Shia LaBeouf rassure quant à son talent pas noyé dans les Transformers (Michael Bay, 2007 ; 2009 et 2011), tandis que Tom Hardy confirme par son magnétisme le fait d’être le meilleur représentant actuel de cette race disparu du badass, race d’acteur viril qui en impose – ce que sa reprise du rôle de Mad Max (George Miller, 1979 ; 1982 et 1985) devrait confirmer.

On perd un peu de la profondeur des précédents Hillcoat pour une efficacité au service des tempéraments explosifs des protagonistes. La violence est brutale et révoltante des deux côtés, apportant une pointe d’ambiguïté discrète (le passage à tabac de Jack, la vengeance de Forrest sur ses agresseurs). Ce sont cependant bien les codes classiques du western moderne qui dominent, notamment dans l’excellent final et via le personnage du méchant incarné par Guy Pearce. Du travail bien fait en somme, en espérant d’Hillcoat un vrai film plus surprenant pour la suite de ses pérégrinations américaines.

Titre original : Lawless

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Durée : 115 mn


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