Communion

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Ce film polonais réussit l’exploit de nous tenir en haleine comme dans un polar et à nous entraîner dans les méandres de la foi et du pardon.

Troisième long métrage aux Oscars

Jan Komasa, dont c’est le troisième long métrage en lice pour les Oscars, s’est fait connaître grâce à deux films Suicide Room (La chambre des suicidés en 2011) et Warsaw 44 (en 2014). Son troisième long métrage, La communion, a déjà rencontré plus d’un million et demi de spectateurs en Pologne et ce n’est pas étonnant car il est à la fois une sorte de film d’action incroyablement bien filmé, interprété notamment par l’étonnant Bartosz Bielenia qui va continuer à nous surprendre, et monté grâce au talent de Przemysław Chruścielewski, mais aussi un film qui pose la question de la foi en Pologne, pays traditionnellement catholique et conservateur.

 

 

Faire son deuil

Film magnifique et profond, La communion met en scène un jeune homme, Daniel, qui a commis un crime et qui a découvert la foi en étant enfermé dans une maison de correction comme l’on disait autrefois, sous l’influence d’un prêtre charismatique. Le sujet est très intéressant, profond et philosophique qui nous change un peu des débats de société et de la pédophilie à l’intérieur de l’Eglise, seuls sujets que semble vouloir ou pouvoir traiter le cinéma français actuel, réduit souvent à l’électroencéphalogramme plat ! A sa sortie du centre de rééducation, Daniel est placé dans une menuiserie puisque c’est la formation qu’il y a suivie, mais il préfère se faire passer pour le nouveau prêtre et endosser la soutane pour remplacer le curé en poste, souffrant. Bartosz Bielenia parvient magistralement à donner vie à ce personnage et à la rendre à la fois crédible et charismatique, allant même jusqu’à séduire cette communauté villageoise crispée sur ses traditions et un horrible drame de la circulation qu’elle n’arrive pas à oublier. C’est un village qui ne parvient pas non plus à faire son deuil, qui se vit comme un écorché vif et que Daniel, malgré son imposture qui pourrait être considérée comme un péché, arrive à sauver. Alors on se dit qu’il vaut peut-être mieux un faux prêtre qui a la foi et sait la vivre qu’un faux dévot, un genre de tartuffe dont le cinéma abonde.

 

 

Influence des frères Dardenne ?

Jan Komasa qui va continuer à nous surprendre lui aussi déclare s’inspirer au début et à la fin du film d’Un prophète de Jacques Audiard, et reconnaît aussi l’influence des frères Dardenne puisque la situation que vit Daniel dans son centre est identique à celle que vit le jeune homme d’Un fils, placé chez le père du jeune homme dont il a causé la mort. Cette influence dardennienne se fait sentir aussi dans l’épilogue du film qui s’achève comme la plupart des films des Dardenne, par une sorte d’arrêt sur image, comme si les réalisateurs voulaient nous laisser imaginer la suite ou la fin de l’histoire. Il le reconnaît au passage dans le dossier de presse du film lorsqu’il confie : « A décor figé, caméra mobile et à décor en mouvement, caméra fixe. Je me suis dit que c’était la composition idéale pour le film. Il en va de même avec cette fin ouverte. Mon cameraman courant après Bartosz pendant qu’il s’enfuyait vers le bois. Mon monteur a suggéré de couper la scène à ce moment précis, si bien qu’on ne sait pas ce qui se passe après. On termine sur son visage. »

Malgré quelques longueurs inhérentes au cinéma contemporain, ce film, inspiré toutefois d’un fait divers, pose d’une manière intelligente et inattendue le mystère de la foi, mais pas seulement parce qu’il parvient aussi à soulever le voile sur divers problèmes de la société comme le mal de vivre de la jeunesse, la solitude profonde de l’individu même au coeur d’une communauté rurale et, surtout, l’inextinguible besoin de pardonner et de se donner une raison de vivre dans l’harmonie de la nature et de l’humanité, comme si le troisième maître du jeune cinéaste polonais pouvait être Bruno Dumont.

Titre original : Corpus christi

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Durée : 115 mn


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