Cleveland contre Wall Street

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Cleveland contre Wall Street est un procés qui aurait du avoir lieu sans l’obstruction des banques. Jean-Stéphane Bron l’a rendu possible en faisant un film. Instructif.

Il est un pays où la fumée de votre cigarette vous fait passer pour un personnage peu fréquentable, où vous êtes passible des tribunaux si vous flirtez avec une collègue de bureau. En revanche, dans cet endroit, l’enrichissement massif de quelques uns à coups de milliards de dollars au détriment de millions de personnes jetées à la rue ne pose pas vraiment de problème. Du moins pas d’ennui pour les principaux responsables de cette situation : une poignée d’individus, concepteurs cyniques d’une finance modélisée. La crise économique mondiale actuelle, d’une ampleur jamais égalée depuis celle de 1929, trouve son origine dans un bidouillage financier insensé mis au point par des voyous en col blanc, le tout en dévalisant méthodiquement les plus modestes.

Cleveland contre Wall Street est une tentative cinématographique – mi-fiction mi-documentaire – d’établir les responsabilités dans ce désastre de la crise dite des subprimes (prêts hypothécaires) qui a touché en premier lieu et de manière plus violente que les autre pays occidentaux, les ménages américains. Un jour, Jean-Stéphane Bron, le réalisateur, tombe sur une brève indiquant que la ville de Cleveland portait plainte contre les banques impliquées dans l’affaire des subprimes. Six mois plus tard, la crise arrive avec la chute de Lehman Brothers. Finalement le procès n’aura pas lieu, les banques ayant fait une obstruction furieuse. Bron a alors l’idée de tourner le procès avec les vrais protagonistes de l’affaire, dont Barbara Anderson, habitante de Slavic Village à Cleveland, qui fut victime d’un prêt à taux variable. Elle deviendra le fer de lance du combat contre les subprimes. Et Josh Cohen, avocat des victimes, qui fût saisi de l’affaire par la ville de Cleveland. Le réalisateur trouvera pour la partie adverse, celle des banques, un avocat convaincu du bien fondé de la démarche des établissements de crédit, Keith Fisher.

Le film est donc d’une certaine manière un docu/fiction dont l’action se déroule presque exclusivement dans une salle du tribunal. Sur le papier, tout cela promet d’être passionnant à plus d’un titre. Sur le plan didactique d’abord. Jean-Stéphane Bron affirme vouloir répondre à une question simple : « que s’est-il passé ? » pour que 20,000 familles de Cleveland aient été expulsées par an dans les dernières années de la décennie ; à dessein, il utilise le procédé bien connu des séries américaines de l’interrogatoire contradictoire. Ce film promet aussi sur le plan du suspense car il montre en quelque sorte le combat de David contre Goliath. Autrement dit la lutte entre la superpuissance constituée par les grandes banques et l’association de citoyens sans plus de défenses que l’énergie et la volonté de justice de quelque uns.

Le réalisateur suisse, concernant l’aspect éducatif et quasi-journalistique de son film, atteint parfaitement son objectif, à savoir rendre compréhensible pour le plus grand nombre les mécanismes financiers tels que la titrisation (transformation d’hypothèques en produits financiers) mais aussi les méthodes commerciales utilisées par les organismes de crédit mandatés par les banques, pour vendre aux gens ayant de faibles revenus des crédits à des taux exorbitants. Sur le plan intellectuel, il y a des passes d’armes attendues mais néanmoins intéressantes et ô combien d’actualité entre les tenants de la dérégulation des marchés et les défenseurs d’une économie remettant l’homme en son centre.  Les uns parlent de la « main invisible » chère à Adam Smith, les autres, à juste titre, de dignité humaine, d’ « abus de la crédulité » des personnes, affirmant qu’il est très important pour les rapaces que les gens soient maintenus dans l’ignorance.

En définitive, nous pouvons dire que Cleveland contre Wall street a le grand mérite – bien que manquant de force et de profondeur – de raconter l’histoire vraie et actuelle de citoyens aux prises avec un monstre tentaculaire, invisible, sans aucun scrupule et qui court toujours.

Titre original : Cleveland Vs. Wall Street

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Durée : 98 mn


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