Un homme est assis dans sa maison circulaire, le visage lunaire, l’air troublé. L’homme rond ne le sait pas encore mais il n’est constitué que d’épingles. Inconsciemment, en pleine recherche de cette vérité, l’homme s’égare, touche d’autres épingles partagées entre son monde et le nôtre. Ces objets s’animent, un aspirateur barrit en absorbant tout autour de lui. L’homme rond nous regarde, la bouche ouverte, estomaqué, il comprend. Il s’éteint, petit à petit, caché par l’écran d’épingles qui, progressivement, tourne sur lui-même. Nous pouvons enfin contempler la réalité de l’homme d’épingles, part éphémère d’un tout évolutif.
Par son art, Lemieux fait danser une conception du monde, mystique et vertigineuse. Chaque épingle renvoie à nos atomes : nous sommes, comme cet homme rond, des portions d’art. Le Grand ailleurs et le petit ici fabrique un miroir déformant notre réalité, la pliant délicatement – drôlement parfois -, la soumettant à une technique proche de l’animation. On rit, on s’interroge, comme l’homme lunaire. En 14 minutes, Lemieux nous promène dans une habitation, peu à peu élargie par un cosmos fait d’épingles. Le Grand ailleurs et le petit ici a quelque chose de bouddhiste, montrant l’éveil du personnage principal. Malicieux, cosmique et ludique, Le Grand ailleurs et le petit ici rappelle, une nouvelle fois, toute la magie de l’écran d’épingles.