Ciné Nordica, 3ème édition

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Troisième édition du confidentiel mais passionnant festival parisien Ciné Nordica. Au programme : des familles décomposées, des meurtres dégoûtants, des gangsters bling-bling et des trolls visqueux.

On craignait qu’il n’y ait jamais de troisième édition de l’excellent mais confidentiel festival parisien Ciné Nordica. Finalement, si, et le programme, essentiellement bâti autour du thème des adaptations littéraires (en écho au prochain salon du livre) a esquissé de façon forcément incomplète mais tout de même convaincante les contours des cinémas norvégien, suédois, danois et finlandais contemporains. Au programme cette année…

De sombres histoires de familles

Passons rapidement sur les histoires de famille charmantes mais banalement contées que sont Upperdog, de la prometteuse Sara Johnsen et Reposer sous la mer de Lenka Hellstedt. Ces deux films explorent la complexité des relations entre des parents (finlandais chez Hellstedt, norvégiens chez Johnsen) et leurs enfants adoptifs. Dans les deux cas, le parcours vers l’acceptation de soi des protagonistes est joliment amené mais insuffisamment creusé.

Avec Pernilla August (aka Shmi Skywalker dans les deux premiers épisodes de Star Wars), nous voici enfin dans la cour des grands. Beyond, son premier long métrage, oscille entre présent et passé pour raconter l’histoire d’une fillette grandie dans les effluves d’alcool de parents qu’elle a tout fait pour oublier, jusqu’à ce que sa mère, mourante, insiste pour obtenir un dernier tête à tête. La rudesse de la mise en scène rappelle les années Dogma et tout le film repose sur la direction parfaite du couple d’acteurs Noomi et Ola Rapace.

Thomas Vinterberg a, lui, définitivement fait le deuil du Dogme avec Submarino, sans doute son meilleur film depuis le fantastique Festen. On suit les destins parallèles de deux frères dans les faubourgs de Copenhague dans une tragédie en clair-obscur qui laisse le spectateur K.-O. Là encore, le jeu fragile de Peter Plauborg et l’interprétation musclée de Jakob Cedegren confèrent au film une puissance et une justesse qui sauvent un scénario potentiellement pathétique.

Les fans nouvellement conquis de Jakob Cedergren (repéré dès 2007 dans le très graphique Dark Horse, de Dagur Kari) l’auront découvert plus loquace et moins barbu dans Terriblement heureux, angoissant western provincial d’Henrik Ruben Genz. Cedergren y incarne Robert, un jeune flic de Copenhague muté dans un bled paumé du Jutland où les habitants ont pris la désagréable habitude de tout régler eux-mêmes. Un petit bijou d’humour tordu à la frères Coen.

Des meurtres en veux-tu, en voilà

Si la Scandinavie n’a pas attendu Stieg larsson pour trucider ses personnages de fiction à tout va, la France prend seulement conscience du potentiel sanguinaire de nos voisins nordiques. La projection des trois épisodes de la désormais série culte Millénium fait donc office de passage obligé. Une mise en bouche parfaite pour apprécier un polar autrement plus original : Easy money (en salles le 30 mars), adaptation du thriller de Jens Lapidus (Stockholm noir) par la nouvelle coqueluche du cinéma nordique à Hollywood, Daniél Espinosa. Plongée noctambule inédite dans les bas-fonds de la capitale scandinave, Easy money ne s’intéresse qu’aux "méchants". Un point de vue qui n’est pas sans rappeler la sublime série "The Wire".

Les "gentils" nous intéressent aussi, à condition que, si besoin, ils sacrifient la loi à des valeurs plus nobles (la défense de la veuve et de l’orphelin contre les vilains capitalistes par exemple). On a ainsi fait la connaissance du détective Varg Veum (Trond Espen Seim), cousin norvégien de Kurt Wallander, version sobre et sexy. Six films ont déjà été tirés de l’œuvre colossale de Gunnar Staalesen, débutée dans les années 70. Visuellement, les deux épisodes présentés tiennent du téléfilm haut de gamme, mais nous embarquent facilement grâce à des entrées en matière toujours fracassantes, comme ce torse féminin tronçonné découvert par Veum dans le bac à légumes (La Femme dans le frigo, d’Alexander Eik).

Des huis clos finlandais

Deux des plus brillants réalisateurs finlandais se sont inspirés de l’œuvre impitoyable et poétique de l’écrivaine Leena Lander. Dans Obéir (Tears of april), Aku Louhimies revient sur un épisode oublié de l’histoire du pays – la guerre civile de 1918 entre "Rouges" sociaux-démocrates et "Blancs" anti-socialistes – et s’intéresse aux choix d’un tout jeune soldat (Samuli Vauramo), témoin impuissant des exactions de son armée commises contre les femmes de l’autre camp. Le film vogue avec brio d’un genre à l’autre (épopée historique, romance) avant de prendre une direction radicale et déconcertante qui divisera forcément le public : on adore ou on déteste.

 

Loin de l’humour potache du road movie lapon Very cold trip, La Maison des papillons noirs, sur la vie en huis clos de gamins placés en maison de redressement sur une île, révèle une autre facette du jovial et génial Dome Karukoski. Aucun traumatisme psychologique n’est épargné aux héros de ce film 100 % dramatique, mais Karukoski rend compte de leurs souffrances avec une telle finesse qu’on lui pardonne cet excès de pathos.

Des trolls baveux

Rien de tel qu’un complot gouvernemental pour finir un festival en beauté. Vrai-faux documentaire en caméra portée façon Cloverfield, Troll hunter d’André Øvredal nous embarque dans une chasse aux monstres aux côtés d’un groupe d’étudiants convaincus que les pouvoirs publics leur cachent la vérité : l’existence dans les forêts de Nord de créatures géantes bien moins mignonnes qu’un Moomin. L’esthétique fauchée fait le charme de ce nanar touchant qui développe avec un plaisir enfantin et communicatif une mythologie chère au folklore scandinave.

Lire le compte-rendu de la précédente édition de Ciné Nordica
 


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