Si L’Argentin contait une révolution réussie – celle de Cuba, ce second opus suit l’enterrement minute par minute du Commandante et de ses hommes jusqu’à la fin inéluctable. Funèbre mais plutôt réussi.
Le scénario de cette seconde partie cible, comme la première, une période très précise de la vie du leader révolutionnaire : la fin de sa vie dans la nature bolivienne. On ne verra rien de la période comprise entre les deux films, ni le Che homme politique cubain, signant des décrets d’exécutions ou échouant dans sa vision de l’industrialisation, ni le Che « congolais », dans sa première tentative avortée de mondialisation de la révolution. Dès les premières minutes, nous sommes plongés dans les montagnes, au centre d’entraînement de « L’armée nationale de Libération » bolivienne.
Ce choix scénaristique de ne traiter que partiellement la vie du Che, nous semblait frustrant voire drastique, dans la première partie. Or, cette fois-ci, il s’avère plus pertinent car il permet de souligner l’acharnement du Commandante, porté par une foi inébranlable. Fidèle à ses convictions, Ernesto Guevara continue son renversement armé de l’Amérique latine. Filmées caméra à l’épaule au plus proche des guerilleros, les images nous propulsent au centre de la troupe. La descente aux enfers de ces hommes, perdant jour après jour des mailles de leur organisation (hommes, logistique, soutien populaire, espoir), est vécue de l’intérieur. C’est dans ces conditions que le Che sort du lot. Portant à bout de bras ses hommes, il ne lâche pas prise malgré l’asthme qui le ronge. « Pour survivre ici, pour gagner, tu dois vivre comme si tu étais déjà mort » disait-il. On suit alors ces combattants de l’impossible qui, comme Sisyphe, s’acharnent contre leur sort.
Contrairement à L’Argentin, Soderbergh s’approche ici de ses acteurs et ne les lâche pas d’une semelle. Ceux-ci le lui rendent bien, avec en point d’orgue un Benicio del Toro toujours très sobre mais parfait en leader utopiste blessé, en rêveur indomptable. De plus, le réalisateur fait la part belle au décor, personnage à part entière de cette Guerilla. Entre l’humidité de la forêt et la chaleur accablante des hauteurs, la nature bolivienne pèse sur le parcours laborieux du Che et de ses hommes. De plus, Soderbergh nous gratifie d’un plan splendide de l’embuscade finale où, en contre-plongée, apparaissent les silhouettes des soldats ennemis.
Au final, supérieur à l’acte un, Guerilla propose deux heures visuellement réussies et étouffantes. Porté par son sujet – la longue marche vers la mort de l’icône Guevara, le film reste malgré tout assez froid. L’émotion reste en surface d’une œuvre qui se veut neutre et réaliste. Evitant à tout prix, et à raison, l’héroïsation du Che, Soderbergh évite l’écueil du sentimentalisme mais nous laisse du coup sur le bord de la route. Par ailleurs, en ne traitant pas de larges passages de la vie de Guevarra (dont certains à sa décharge), il retire au Che une grande partie de sa complexité historique et humaine. Le voir faire face à ses responsabilités politiques, ses devoirs, ses doutes, manque cruellement. Les deux films font la part belle à un homme charismatique… mais il pourrait être quelqu’un d’autre, d’une autre époque même. Le personnage historique disparaît derrière le personnage du film. De peur de trop en dire, Soderbergh n’en dit pas assez et nous laisse sur notre faim. On en sort avec une question : mais, bon sang, qui était le Che ?